Ce premier roman autobiographique est construit sur deux vitesses, une qui avance, l’autre qui navance pas. Celle qui avance est le récit familial, centré autour du père, une belle figure d’ouvrier « à l’ancienne », un peu perché, parfois au bord du doute. Il travaille dans la maintenance, dans une usine pleine de bruits, de turbines, de robots, de nacelles suspendues. Son travail est modeste, ingrat, rude, mais il croit en sa valeur. Pas la sienne propre, mais celle qu’on lui accorde.
Claire le regarde ce père, qui a toujours les ongles noirs, qui farfouille dans les déchetteries à la recherche de matériel électronique à réparer. Le garage en est plein, et les coupures aux doigts sont les marques de ses réussites ou de ses échecs, d’ailleurs … Elle le regarde, fragile dans les reflets du rétroviseur, alors qu’il conduit toute la nuit sur le chemin du retour des vacances. Une semaine en camping, avec les activités programmées pour les enfants, et un budget serré. Alors les restos, la mère les choisit avec soin, et pour les enfants, le fast food, c’est la fête inespérée. Pour les parents, c’est le dernier recours, parce qu’ils n’ont rien trouvé d’autres sur la route et c’est l’entrée dans un monde dont ils ne maitrisent pas les codes et dont il ressortent groggys. Et les enfants frustrés. Le récit se poursuit après cette scène inaugurale, d’autres scènes évoquent cette vie de famille modeste mais tendre, attentive. Claire aime les livres, alors dans la salle des fête de la petite ville, la famille se déplace pour voir les écrivains. Mais le monde des lettres est décevant, derrière la table encore grasse du loto de la veille, l’auteur se croit important et le père console : » des écrivains, ca écrit ».
En parallèle de ce récit d’enfance, se déroule celui du job d’été de Claire. Devenue étudiante, elle a été embauchée dans ce lieu des lumières de son enfance, un fast food. Ballotée de poste en poste, car le fast food est un monde qui doit toujours être en mouvement, elle brique le propre et remplit des cartons préconçus, tapote sur les touches idoines . Ici, le travail n’a pas de sens. Il est bruit, minutages, segmentations, cartons calibrés, sachet de sauce programmés, les frites se cuisent en sonneries déterminées à rendre dingos ceux qui les plongent dans l’huile … Le corps s’abime, les mains de Claire ne sont pas noires, mais fripées par les détergents. Le travail est une agitation permanente. Aux trois huit du père, répondent les plages horaires de cinq heures, vides ou survoltées, c’est un combat contre le temps et la pointeuse. Le fast food broit autant que l’usine, sauf que les lumières ne s’arrêtent jamais, ni les sonneries de la friteuse. Les grandes lignes sont données par le manageur du jour, et le manège continue.
En une écriture minimaliste, est dit l’étouffement d’un travail factice, les mesquineries des postes qui tournent, l’invisibilité des employés, emportés par les tâches minuscules qui ne laissent aucun répit et aucune satisfaction. L’alternance avec les scènes d’enfance, le travail du père, met en évidence l’effritement de la notion de « travail bien fait » et de la considération des hommes qui le faisait.
Alors, déjà que le monde des fast food m’a toujours éberluée, par son clinquant de zone péri urbaine et pseudo festif, je me dis que je resterai toujours du côté de l’oeuf mayo.
Je l’ai abandonné assez rapidement. Pour la partie McDo (où je ne vais jamais) j’avais l’impression de lire un xeme article de journal.
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Moi non plus, je n’y vais jamais au McDo ! Il est vrai que l’écriture est très sèche, impersonnelle, elliptique, et encore plus dans les parties McDo, mais ce que j’ai bien aimé est l’alternance entre les deux mondes, l’enfance et la première embauche.
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Oui, tout à fait d’accord ! La fierté du travail bien fait fruit de l’attachement ouvrier au travail est complètement mis en pièces par l’automatisation à outrance, la fragmentation des tâches, la mobilité des postes, le rendement minuté, etc. Par ce roman, j’y ai découvert la casse du travail à l’œuvre et aussi celle des excecutants, sorte de kleenex corvéables et jetables au bon vouloir d’un petit chef qui n’est même pas le patron !
Autant dire que je l’ai beaucoup aimé 😉
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Tu parles sans doute de la superbe Chouchou qui navigue en salle comme un poisson en eaux troubles ?
Dans l’ensemble, j’ai plutôt aimé, surtout les scènes de l’enfance et le personnage du père, qui est très touchant, sans être complétement emballée quand même.
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C’est un livre que j’ai bien aimé et que je défends.
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Il m’ a été très bien « vendu » par une amie, plus enthousiaste que moi mais c’est un premier roman à défendre, il y a un « quelque chose » dans le regard porté sur le monde du travail qui n’est pas conventionnel.
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j’ai un petit fils qui a travaillé dans un macdo et il a adoré le patron et les employés ont été très sympa avec lui.
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Il est certain que l’autrice se dégage un point de vue qui n’est surement pas exhaustif. Ce n’est pas tant le Mc Do et les gens qui y travaillent qu’elle pointe, mais le mécanisme de la fragmentation des tâches qui dilue le sens de ce qui est produit.
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Je n’attendais rien de ce roman, mais j’ai aimé ce qu’il dit du travail.
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Il m’a été fortement recommandé par une amie enthousiaste, mais comme c’est justement une amie, je sais par expérience qu’elle s’enthousiasme vite … Alors, j’y suis allé tranquillou et son propos sur le rapport au travail, et surtout celui de son père, m’a touchée.
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Je vois que les avis sont bien partagés, j’aime bien lire quelque chose de très actuel, parfois. Et j’aime aussi les oeufs mayo 🙂
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J’avoue un gros faible pour les oeufs mayo avec plein de mayo … Et les burgers, je les fait maison, avec plein de sauce burger aussi … Je sais, c’est mal ^-^
En tout cas, un premier roman publié chez Minuit, ça se tente.
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