Une saison pour les ombres, R.J Ellory

images« On est tous brisés, quoique chacun à un endroit différent » est la première pensée de Jack Devereaux, dont le métier consiste à déterminer les origines d’un incendie. Il enquête dans les décombres et ma foi, cela lui va bien, les décombres.  Solitaire, taiseux, même son meilleur, et seul ami, ne savait pas qu’il avait un frère, avant que Jack ne soit appelé à l’aide de Clavis, très loin de Montréal, très loin de l’oubli où il s’était réfugié.

Son endroit brisé à lui est Jasperville, à 10 heures de voiture et 12 de train de la grande ville, soit deux à trois jours de toute civilisation, un temps long pour ruminer remords et culpabilité. Et il y en a une sacrée couche, qui pèse comme une chappe de neige bien tassée par 20 années d’absence. Jasperville, les drames et les morts, dont une série de disparitions de jeunes filles retrouvées aux abords des maisons et dont les mutilations avaient été attribuées aux loups et aux ours. Dans le huis clos étouffant de la petite ville, personne n’a voulu en savoir beaucoup plus, même pas les familles, et puis, personne ne reste à Jasperville, même pas le responsable de la police locale, nommé pour deux années seulement, ce qui permet aux différents dossiers de ne pas être recoupés. Sauf par le petit frère de Jack, Clavis, qui 20 après, entre obsession et solitude a rempli des carnets d’enquête et a voulu rendre justice. Cette fois-ci, Jack ne peut pas se dérober aux souvenirs.

Jasperville a été crée pour l’exploitation des mines de fer. Lorsque la famille Deleveau s’y est installée, elle était alors composée d’Henri, le père, un peu rude et maladroit, mais qui ne boit pas encore, de la mère Elizabeth, encore mère courage, du grand père, William, qui perd déjà un peu la boule mais n’est pas encore obsédé par les légendes de vampire amérindien, de Juliette, petite fille modèle. Jack a cinq ans. Sur le contrat, Jasperville, c’est vivable, une école, une grande rue, quelques commerces, un hôpital. Pour la famille, une grande maison, des revenus surs et confortables, une nouvelle vie semble possible. Rude, glacée, boueuse et obscure, soit. L’hiver est quasi permanent, l’été consiste en une courte période de dégel, et ce sont en grande parti ces particularités de la ville qui ont permis que les corps ne soient retrouvés que trop tard, sans indices, sans témoins, sans traces.

La trame du récit est classique : Jack retourne combattre les démons qui l’ont fait fuir 20 auparavant sans jamais s’attarder sur ses remords, le petit frère laissé dans les mains du père qui vacille, le premier amour auquel il avait promis son retour. Alors ses 20 années de silence, il doit les payer par sa rédemption. L’intrigue n’apporte pas vraiment de surprise mais l’évocation de cette ville et de cette vie singulière, comme arrêtée dans le temps immobile, est un vrai point d’accroche du récit : la grande maison secouée par les tempêtes, intérieures et extérieures, le souffle des légendes indiennes qui rôdent, se glissent dans les rêves, la grande rue obscure, les familles qui s’accrochent les unes aux autres, jusqu’à ce que l’ombre des jeunes filles les diluent dans la douleur … Tout cela est fort bien noir. Si seulement le Jack avait pu moins radoté ses remords à longueur de pages, le thriller en aurait gagné en efficacité et puis, le tête à queue final sent quand même le raccrochage de wagons …. C’est dommage pour le wendigo ( le vampire amérindien), il aurait mérité mieux que sa réincarnation humaine en sérial killer dans les 20 dernières pages …

Une nouvelle participation au challenge de Sharon thrillers et polars

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13 commentaires sur “Une saison pour les ombres, R.J Ellory

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    1. La vie confinée de Jasperville est un des points forts du livre, ce lieu empoisonne les personnages, les influence. L’intrigue policière est presque plaquée sur ce lieu. Et la fin n’est pas à la hauteur. C’est dommage.

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    1. Il y a une densité romanesque dans le rapport au lieux et au temps, quasi immobile dans la partie qui se déroule à Jasperville ( qui est la plus longue, quand même). Tu peux tenter en sachant que la résolution des meurtres n’est pas l’essentiel de l’intrigue.

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    1. Je n’ai pas trouvé chez toi de chroniques sur ce livre … Mais par contre, tu m’as donné envie de lire Le carnaval des ombres que j’avais laissé de côté. C’est drôle, avec cet auteur, je suis souvent un peu déçue, mais j’y reviens quand même.

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  1. En fait, j’étais tellement bien dans ce roman que j’aurais voulu qu’il ne finisse pas. Parce qu’il faut bien finir, je me disais qu’il avait dû bricoler une fin et de fait, elle arrive un peu rapidement, mais ça n’a rien enlevé au plaisir que j’ai eu pendant toute ma lecture.

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    1. Oui, j’ai lu ta note, et j’ai vu que tu avais moins de bémols que moi. J’ai relu aussi mes anciens billets sur les titres d’Ellory et à chaque fois, j’ai eu des réticences sur les fins de ses intrigues …. Son « bricolage » est récurrent, faut croire ( ou alors c’est moi qui en attend trop )

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    1. Les premiers titres se tiennent mieux, je trouve, comme « Seul le silence » ou « Les anonymes ». Mais pourquoi pas se laisser par cet auteur, effectivement, qui est beaucoup lu, à juste titre car il y a quelque chose dans ses créations d’atmosphère qui est assez fort.

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