Les vilaines sont flamboyantes dans leur costume de misères et de solitudes. Des reines déchues dès le départ, et sans espoir de rédemption sociale. Au début du récit, elles arpentent les allées du parce de Cordoba, une grande ville argentine. Elles s’y prostituent. Elles viennent de nul part, de la campagne, des bas fonds … Peu importe, elles survivent en exhibant leurs charmes devant la gueule des loups, les clients, aimants ou maltraitants, ce sera le hasard de la nuit des trans.
Le narrateur est la plus jeune de la bande. Maigre, même pas beau, à peine féminin, il ne s’est pas encore fabriqué son corps à coups d’injections, mais la carapace a été formée par le mépris. Celui de ses parents, pour commencer, de son père absent ou alcoolisé, qui les a planté, lui et sa mère, au fin fond d’un village de la pampa. Les frasques d’un jeune homme déguisé en fille ne pouvait qu’y faire une tâche d’opprobre. Depuis qu’il s’est enfui, il fait comme les autres qui ont trouvé un refuge précaire dans la maison rose de Tante Encarta. Une trans hors d’âge qui peut être cruelle, virulente, généreuse et triste au point d’adopter clandestinement un bébé abandonné dans sa merde au fin fond d’un buisson du parc. Elle va le garder pour elle, pour elle seule, caché dans la maison rose où passe une communauté hétéroclite et fracassée. Pourtant, les fêtes sont fraternelles dans la cour qui déborde de plantes, des plantes fertiles qui, elles, peuvent reproduire leur couleur. Dans la maison, dans toutes les chambres, est accroché l’image de de la vierge de Vallée, brune et rebelle, assez puissante pour conjurer le destin. Ce qui n’arrivera pas.
Seule Nadina, infirmier le jour, amoureux de Laura, ex camée, la seule de la bande née avec un sexe féminin qui n’a pas été créé à coups de bistouri, se sortira du cloaque … Toutes les autres disparaitront, anonymes, transparentes, objets de désir violentées, violées, volées, objets de tous les regards pourtant quand dans leurs habits de lumière, elles célèbrent la folie qu’est leur corps.
Le récit les raconte aussi voleuses que menteuses. Elles volent les clients pour une nuisette, taillade les joues d’une rivale, se pendent ou finissent par se coucher dans le fossé de leur vie. Victimes des gamins des beaux quartiers qui s’amusent de leur talent pour le vice, elles peuvent aussi être fraternelles, soutenir celle qui meure à l’hôpital, entourer de leurs larmes, celle qui a pris une dose de trop, un coup de trop à encaisser.
Le récit dit le sordide dans le charme puissant d’une écriture incisive qui mêle dans la même phrase le clinquant et le misérable. Incisive comme la vie du narrateur, tranchée comme ses nuits qui se succèdent, où il se vend, victime de sa rage d’exister, fragile, cassé, cachant la honte sous le maquillage excessif qui coule …
Un bien beau billet, pour un titre déjà noté, mais toujours pas lu… merci !
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Cela faisait un moment que je voulais le lire, ce titre repéré lors d’un mois latino précédent. Et ma foi, il en valait la peine, le texte est fort, la transsexualité en Argentine, ce pays réputé si viriliste, est abordée sans fard.
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Un roman qui semble très fort.
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C’est un roman assez balancé, des scènes très dures et violentes mais aussi une dynamique dans l’écriture qui fait que cette violence a une certaine « beauté ». C’est assez difficile à décrire, en fait. Mais je te le conseille.
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C’est une lecture qui me tente beaucoup. Merci pour ton très bel article, Athalie
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Elle me tentait depuis longtemps, N’hésite pas à te lancer, le roman est assez court, et pour ma part, je l’ai lu quasi d’une traite.
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une plongée dans l’horreur , je vais passer mon tour! pas toujours courageuse la Luocine !
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Ce n’est pas si horrible que cela en fait. La condition des trans est violente, elles sont méprisées mais aussi belles et fraternelles. Du moins, par moment … Quand elles le peuvent. Et le narrateur arrive à sublimer cette misère, par moment …
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Un jour peut-être, par curiosité… ^_^
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Et la curiosité est une des plus grandes motivations de nos lectures et mènent parfois à de bien prenantes surprises …
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Ce que tu dis du style m’interroge. Je vais voir si il est à ma BM.
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Le style est une des grandes qualités de ce roman, parce qu’il arrive à donner une force positive, dynamique. Il atténue le sordide des destins de ces trans.
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Je n’ai pas envie d’une lecture aussi dure en ce moment, mais peut-être plus tard ..
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La réalité décrite est rude, mais pas la lecture. L’univers de la transsexualité y est décrit avec une belle force, presque vitale.
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Je l’avais beaucoup aimé… Il est très marquant !
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Absolument ! Le narrateur y donne à voir des réalités crues, mais mais pas marquées par la fatalité tragique. On comprend bien qu’être trans n’est pas un choix facile à assumer, mais qu’elles sont dans une position ambivalente, elles fascinent autant qu’elles sont méprisées.
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Repéré à sa parution, je n’en ai entendu que du bon. Bon, ça a l’air de secouer pas mal.:) Peut-être pas pour tout de suite encore.
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ça secoue mais sans heurter. C’est paradoxal mais le sordide n’est pas ce qui marque le plus, c’est la force d’exister, malgré tout. Tu devrais aimer, je pense.
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Peut-être pour la prochaine édition du mois latino
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Il y aura sûrement d’autres à noter dans le récapitulatif final, mais j’espère que celui-ci ne sera pas trop oublié d’ici l’année prochaine !
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Lu il y a quelque temps et beaucoup aimé… quelle force dans ce texte !
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Oui, le texte est fort bien balancé, entre la noirceur de la condition de trans et la force du récit.
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