Les oubliés, John Grisham

Cullers Post est avocat et pasteur. Il change de cols de chemise selon les situations ; couloirs de la mort, visites en prison, négociations avec les témoins à charge des innocents qu’il défend. En effet, l fait partie d’une association, les anges gardiens,  il en est l’enquêteur-avocat et se charge de prouver l’innocence des condamnés à mort ou à perpétuité que le système judiciaire américain a collés en prison … Et on le sait bien, ce système a la main lourde surtout quand le suspect est afro américain et pauvre. L’association a peu de moyens financiers et peu de membres, Vick, la fondatrice s’occupe de trouver des donateurs, Mazy de concocter les dossiers de révision et Post sillonne le pays pour recueillir de nouvelles preuves , des failles dans les témoignages ou les relevés de scènes de crimes. Il est parfois secondé par Francky qui fait partie des huit personnes que l’association a pu faire sortir du couloir de la mort. Ce qui fait peu par rapport aux milliers de cas qui y restent et sont exécutés, finalement. Mais Post a la foi en sa mission et y consacre tout son temps, sans famille et sans autres attaches que ses convictions …

Pour le moment, il suit deux affaires, celle de Duck Russel, accusé de viol et de meurtre, jugé par un tribunal dont les jurys, qui savaient à peine lire et écrire, ont été manipulés par un charlatan, un pseudo expert qui visiblement avait pignon sur cour en ces temps pré ADN. La seconde est celle de Quincy Miller, accusé du meurtre de son propre avocat, Keith Russo, retrouvé la tête explosé par un fusil de chasse derrière son bureau. Il aurait été poussé au crime par son jugement de divorce, bâclé et à charge contre lui. Sauf que l’enquête ne tient pas, le mobile ne tient pas, les témoins ont été manipulés, les preuves ont disparu dans un incendie. Son avocat, commis d’office, s’est démené comme un beau diable mais rien n’y a fait et la tête de Quincy n’a été sauvée que par la seule voix du seul jury noir de son procès. 22 ans après, il est toujours en prison, sans aucun soutien.

Le récit détricote les enquêtes menées à l’envers, remélange les pièces des puzzles  dont les pièces ont été truquées par des policiers véreux ou de parti pris, corrompus ou négligents. Il charge les procureurs qui font leur gras d’une justice essentiellement punitive. On entre dans les arcanes des procédures et ma foi, le dynamisme du récit en prend un coup dans l’aile, il se dilue dans les lenteurs, dans les longueurs des recours et des oppositions administratives. Et quand l’affaire de Quincy croise les exactions d’un cartel de drogue, forcément très très méchant, et aux méthodes très très cruelles, franchement, ce n’est plus crédible. Avec son petit col, sans soutien logistique,  Post est un Robin des bois qui  marche sur des plates bandes de carnivores qui l’auraient dévoré tout cru et sans remords, au lieu de le laisser constituer un réseau de preuves accablantes et mettre à bas un réseau de trafiquants à lui tout seul.

Inspiré de faits réels, ce true crime manque justement de réalisme, même si cette association de disculpateurs existe : ce sont les Centurion Ministries fondée par James McClostray et dont l’auteur fait partie, si j’ai bien compris l’anglais du site de ces missionnaires, sûrement admirables, mais dont le roman donne une image trop évangéliste (ou angélique)  pour moi.