Biche, Mona Messine

Quelle drôle de fable …. Mais est-ce une fable ? En tout cas, parfois les animaux y parlent, ou plutôt pensent, comme la petite biche, l’étrange héroïne de ce récit, petite Artémis, toute en fuite agile face aux chasseurs qui envahissent la forêt pour y tuer des cerfs, mais qui feraient bien un carton sur leurs femelles.

Gérard, lui, a l’esprit tortueux. C’est lui aussi un solitaire mais il appartient à l’autre harde, celle des prédateurs. Il pratique la forêt comme un sport de combat, pour son orgueil. Et s’il ne suit pas toutes les consignes de sécurité, c’est qu’il s’égare à la poursuite d’un exploit, d’un trophée … Alan, lui, est un esprit naïf et empoté. Il est le jeune garde forestier. Chargé de placer les chasseurs dans le cadre de la loi ; il s’agit d’abattre le gibier « en trop » et non d’y prendre du plaisir. Personne n’est dupe, tout le monde sait de quoi il retourne en réalité, même la petite biche et les deux cerfs amoureux l’un de l’autre. Même le hérisson dont les piquants vont avoir chaud aux fesses. Alan a beau rêver de sauver les biches, ses tentatives semblent bien inutiles. D’ailleurs, quand le drame se profile, il faisait la sieste et nul n’a songé à le prévenir. Car il y a un drame, on le sent dès le départ, cette histoire de chasse ne peut que mal tourner. Mais d’où viendra-t-il ? de quelle erreur, de quelque balle perdue, de quelle frustration humaine ou animale ?

Une biche malade rôde, pleine de rage, croise Gérard. Linda, faute d’avoir le droit de tirer comme les hommes, doit se contenter de diriger la ligne d’abattage, alors qu’elle rêve de traque, notamment de celle du coeur de Gérald,  dont elle ferait bien son quatre heure. Basile, un jeune garçon, tout juste initié aux coups de fusil,  méprise sa premier victime, une simple bécasse, et sa fascination pour la violence se déverse, pour l’instant, sur les réseaux sociaux. Mis à part le hérisson et la jeune biche ( du moins la version light de la jeune biche), tous les personnages sont menés par la frustration, d’une virilité, d’une puissance, d’une revanche, on ne sait pas trop, mais la partie semble perdue d’avance pour les biches et la forêt … Mais, petit à petit, Gérald s’enfonce dans un territoire qui lui échappe et la tension de la traque finit par habiter sa proie, elle éclate en un final dont se régalerait si on était biche …

Le récit commence lentement (voire très lentement, le temps que tout le monde se mette en place), et le coeur du récit, la battue, m’a quelque peu laissée perplexe (la biche n’étant pas toujours très cohérente …), les différentes voies narratives m’ont semblées artificielles ( mais c’est une fable …), par contre la morale est jubilatoire et cruelle à souhait !

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