Ce récit articule cinq parties. La première s’intitule « La piscine en sous sol » et logiquement évoque les us et les coutumes d’une communauté liée par la pratique de la nage comme mode de survie. Les membres, qui ne se côtoient pas « habillés », sont caractérisés par des rituels ou des manies : la costaude en tongs dépareillées, le voleur de papier toilette, l’accro au miroir, la Garbo de la piscine, ex triple championne olympique, la nageuse de la ligne quatre qui ouvre trop largement les bras à cause d’une pratique intensive du yoga. La piscine est un monde clos, à part. Les lignes de nage sont définies selon la vitesse des nageurs, certains dérogent, trichent, mais ce monde est ordonné, les variations sont possibles mais éphémères, les préoccupations sont parfois communes : réussir le retour en culbute, ou individuelle, 68 aller retour nécessaires pour éviter l’angoisse de ne pas avoir fait 68 aller retour … L’écriture est celle de la liste, de l’énumération des riens et presque rien, soulignés par des commentaires en italiques, ironiques ou factuels qui fonctionnent et comme des inserts d’une voix intermédiaire anonyme. Quelques figures émergent, comme celle du maître nageur, gardien du temple secret, qui a la main sur la fin de partie, le « on sort » qui sonne le glas pour ceux d’en bas qui doivent alors retrouver le monde d’en haut, celui des terriens et des activités insipides et quotidiennes, travailler, rentrer chez soi … Une autre figure est celle d’Alice, qui a le statut de chouchoute de la communauté. Il faut faire attention à elle, elle a tendance à oublier de faire les choses dans l’ordre, la douche, le bonnet de bain, les étirements …
Dans la deuxième partie, c’est l’effarement, une fissure est apparue entre les lignes de nage, au fond du bassin. L’émoi chamboule la communauté car l’énigme est contagieuse, malédiction ? Invasion ? Avertissement ? De quoi cette fissure est-elle le signe ? Les experts en fissures de piscine se perdent en conjonctures divergentes. Puis, le monde de la piscine disparait et la troisième partie se concentre sur Alice en une longue énumération de ce qu’elle a oublié et de ce dont elle se souvient encore, mais pas pour longtemps car devenue trop difficile à vivre, son mari la place à Belavista, sorte d’EpAd concentrationnaire. La descente vers l’oubli complet de soi est entamé et elle est irréversible comme le serine la voix qui égraine pour Alice les différentes étapes vers la mort et le règlement intérieur tout en trompe l’oeil de l’établissement, il faut qu’elle en soit certaine, elle ne sortira plus jamais.
Petit à petit, on comprend qu’Alice est la mère de l’autrice, du moins on peut le supposer lorsque l’on a lu Certaines n’avaient jamais vu la mer, car dans la mémoire défaillante reste l’exil, l’enfermement dans le désert de la communauté nippone vivant aux USA à partir de l’entrée de ce pays en guerre contre la patrie d’origine. Il reste aussi des fragments de la vie d’avant, des savoirs faire, des gestes d’attention de la mère vers la fille, une façon de lui remettre la mèche rebelle en place, des conseils de bonne tenue. Mais la voix de Benavista l’a annoncé dans une glaçante ironie, maintenant, c’est terminé, les regrets n’ont pas de sens, il fallait vivre avant, les journées ne seront plus que de l’attente, des petits bouts d’attente qui ne mèneront pas à grand chose qu’a de l’attente et les visiteurs se feront rares, quand ils auront le courage de venir, de se confronter au grand vide que va devenir Alice. Pour l’autrice aussi, c’est trop tard pour rattraper le temps où sa mère parlait encore.
Les différentes parties adoptent l’écriture de l’énumération factuelle, les petites phrases courtes sonnent implacables, sans empathie. On peut apprécier l’exercice de style, comprendre le parti pris de l’ironie glacée qui met à distance tout pathos. Mais c’est un peu lassant quand même … Et puis, l’allégorie est hétéroclite, du bonheur de la nage à l’implacable vérité de la fin d’une vie qui se dilue dans la démence, j’avoue que le fil m’a parfois échappé ( j’ai même pensé pour la fissure à une métaphore de l’arrivée du coronavirus, et puis non, visiblement … Mais je n’en suis pas certaine non plus.)
Bref, je ne sais pas très bien ce que j’ai lu, finalement. Mais en tout cas, j’ai glissé du plaisir de lecture à l’indifférence.
L’indifférence bigre .. déjà le sujet n’était pas pour moi, alors là je passe sans regret.
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A vrai dire, le sujet, la fin de vie, la perte de la mémoire de la mère de l’autrice, n’est traité que dans les trois dernières parties, alors que le récit commence par le bonheur de la nage … Ce qui fait qu’on a l’impression de lire des morceaux choisis un peu disparates.
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je saute sur le mot indifférence pour ne pas noter cette lecture. Merci
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J’ai beaucoup aimé la première partie presque futuriste et plutôt drôle, mais après, j’ai trouvé que l’articulation entre les différentes parties était déceptive et l’écriture prend trop de place … Je ne voyais plus que le systématisme de la liste.
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Le sujet me semblait un peu trop particulier, il aurait fallu un billet enthousiaste pour que je note !
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Il doit y avoir des billets enthousiastes sur la blogo, c’est une autrice plutôt appréciée et je garde un beau souvenir de Certaines n’avaient jamais vu la mer, bien plus réussi et dont le sujet est plus ample. Si tu ne l’as pas déjà lu, je te le conseille !
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Ah bien dommage ! Je garde un très bon souvenir de Certaines n’avaient jamais vu la mer aussi j’étais curieuse de ce titre, mais je vais en rester là je pense.:) Je venais par ici aussi pour rechercher des infos sur le projet « livres sur thèmes de l’échange, du croisement » mais je n’ai rien trouvé ?
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Certaines n’avaient jamais vu la mer est un texte fort, j’avais été un peu déçue par le second Quand l’empereur était un dieu, Mais pour ce dernier titre, disons que la construction qui se focalise sur Alice m’a un peu perdue.
Pour le projet dont je parlais en commentaire chez toi, c’est un projet que je mène en collaboration avec une librairie, je cherche des références chez les blogueuses que je suis d’habitude.
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Je suis très curieuse de ta récolte de références à date. J’avoue que, ces thèmes étant tout de même assez vastes, j’ai du mal à situer le genre de livres recherchés.
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En fait, on patauge un peu sur ce thème … On tente de resserrer autour de l’idée de « correspondances », d’échanges, par exemple d’échand ge de rôles ou d’histoire axées sur des paroles ou des lettres qui lèvent un mystère. On a retenu par exemple Les gens dans l’enveloppe ou encore La pluie avant qu’elle ne tombe … Je vais lire aussi Les orphelins du Mont Scarlow et le titre dont tu parlais, De mères en filles, pour voir si ça colle.
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Ohlala je n’y vois pas plus clair, haha, mais j’ai l’impression que les (ou certains) livres de la collection Ma nuit au musée pourrait correspondre, ou Le bureau d’éclaircissement des destins de Gaëlle Nohant. Je n’en ai lu aucun pour l’instant (c’est en projet) mais les interviews à la Grande librairie me laissent penser que ça pourrait rentrer dans tes thèmes.
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J’avoue que moi non plus ^-^… Je note tes suggestions (mais je n’ai pas trop aimé le Gaëlle Nohant qui rentrerait pourtant dans le thème)
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Il me semble avoir lu des avis plus enthousiastes mais comme d’autres, ton « indifférence » m’effraie et je ne ferai pas de ce livre une priorité.
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Il doit avoir des avis plus positifs, je pense que comme je ne savais pas que c’était autobiographique, que le sujet était la fin de vie de la mère de l’autrice, les deux premières parties m’avaient donné d’autres pistes et arrivée à l’histoire d’Alice, à la troisième partie, je ne savais plus trop dans quel texte j’étais.
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J’avais lu des avis mitigés ici et là, et tes bémols me font penser que je ne le lirai pas.
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Depuis la publication de ma note, j’ai lu quelques avis, pour voir et effectivement, je ne suis pas la seule à avoir été déroutée par la construction qui resserre autour de la dimension autobiographique.
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