Ce que l’on sème, Régina Porter

il_fullxfull.182904608Un des rescapés du tri de la pile, et encore une bonne lecture … décidemment, le tri a du bon ! Cependant, au moment d’écrire cette note, je me tiens une sacrée flemme tant le roman foisonne de thèmes et des personnages, de fils à tirer, de scènes touchantes, de hasards qui se raccrochent les uns aux autres, de tranches de vie bouleversées par des riens, des voisins, des lointains cousins … Je résiste à la tentation de copier coller les lignes écrites par Ingannmic  (je pense que ça se verrait quand même …) et je donne juste les grandes lignes du début pour vous donner envie de plonger dans le labyrinthe.

On démarre en 1966, dans un petit coin de la Géorgie, au moment où Agnès Christie fait la connaissance de Claude Johnson, ce qui ne plait pas du tout à Eloïse Delaney ( les noms de famille sont importants, c’est un guide, avec une liste au début du livre qui aide bien). Agnès a 19 ans, elle est majorette et fan des Suprêmes Claude dégage un certain truc, il est plus âgé que les filles, ingénieur dans l’aviation, il a appris à polir sa voix et à se conformer à ce que les blancs attendent d’un homme à la peau foncée. Les deux filles aussi, mais si Agnès est relativement protégée par un milieu social croyant et petit bourgeois, ce n’est pas le cas d’Eloïse dont les parents ont plongé dans la misère alcoolique et qui est hébergée chez les Christie par charité et pitié. Les deux adolescentes se retrouvent de temps en temps dans le même lit sans que les parents n’entendent un froissement de drap. Mais ce qui est brulure d’amour pour l’une, n’est que désir de passage pour l’autre.

Dans l’Amérique de cette période, être noir implique un code de conduite et c’est au détour d’un retour nocturne après un concert, que Claude choisit le mauvais raccourci et appuie un peu trop sur la pédale d’accélérateur. La mauvaise rencontre de cette nuit là durant laquelle Agnès perd la bague Craker Jack que Claude lui avait offerte est le point de départ de l’histoire de leur deux familles, de leurs connaissances, de leurs enfants, car à partir de cette nuit là, Agnès ne répondra plus jamais aux coups de téléphone de Claude, et ce qui aurait pu être sera autrement.

Le récit est donc construit à partir de là en branches, plus au moins épaisses. On suit un personnage pendant un chapitre, ou deux, ou trois, puis on le laisse vivre sa vie, pour le retrouver sous un autre angle, ou dans l’angle, ou dans le rétroviseur. On avance en crabe, découvrant entre les uns et les autres un lien parfois tenu dans ce florilège de tranches de vies. On traverse les périodes , la lutte pour les droits civiques, la guerre du Vietnam qui a laissé des fantômes, tordant l’esprit des vétérans, les mutations sociales qui s’opérent, les familles qui s’élèvent dans la hiérarchie sociale, ou qui se perdent dans un tournant … En tout, il y a 33 personnages, et deux pivots, une famille noire, celle d’Agnès, une famille blanche, les Vincent, mais parfois on ne sait plus quelle est la couleur de qui, ce qui permet de les fondre tous dans la même grande histoire, jusqu’à la première élection d’Obama. 55 ans de divorces, de naissances, de drames ou de petits incidents de la vie, aux intersections multiples, aux tonalités variées, le labyrinthe est dynamique, ironique, dramatique aussi, mais surtout maitrisé. Le texte est accompagné de petites photos, portraits de personnages historiques évoqués, scènes de genre, autant de traces d’une véracité possible.

Le genre de la saga familial est certes bousculé, mais renouvelé radicalement.

14 commentaires sur “Ce que l’on sème, Régina Porter

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  1. Vous êtes plusieurs dont Ingannmic, Kathel et toi a avoir apprécié ce livre, ça fait réfléchir ! Mais

    j’essaie aussi de faire du vide dans ma PAL…

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    1. Décidemment, on dirait que le tri se propage dans la blogo … Il faut croire que l’on a beaucoup accumulé ! J’ai effectivement beaucoup aimé ce roman, qui donne un peu le tournis par moments, mais un bon tournis, plein d’histoires !

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  2. Découvrir ta note me donne aussitôt envie de le relire ! J’en garde le souvenir d’une lecture jouissive, au cours de laquelle on se régale des surprises que nous réserve l’auteur, des coq-à-l’âne et des crocs-en-jambe qu’elle nous inflige… un premier roman d’une remarquable maîtrise, et avec des photos, en plus, si je me souviens bien…

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    1. Mais tu l’as lu il n’y a pas très longtemps, le relire carrément ^_^ ? Mais il est vrai que c’est une lecture très rebondissante et on ne sait jamais trop où on va, mais on y va avec enthousiasme.

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  3. Je garde un bon souvenir de ce roman, quoique pas trop précis, sans doute à cause ou grâce au foisonnement de personnages… et on ne sait plus quelle est la couleur de qui, comme tu le dis, et ça, ce n’est pas un détail anodin.

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    1. Comme je le dis au début de ma note, je ne savais pas trop par où commencer tant ce roman est foisonnant et le mélange des tonalités nous fait passer par des sentiments tout le temps changeants … En tout cas, on parle toutes les trois d’une saga familiale renouvelée !

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    1. Je ne m’attendais pas à ce qu’il me plaise autant ! Ma pile descend doucement avec de bonnes lectures, pour l’instant.

      En tout cas, ce titre est vraiment passionnant, il faut juste accepter de ne plus trop savoir qui est qui par moments … Mais cela reste une saga familiale d’une belle intensité

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  4. J’avais noté ce titre à sa parution, les thèmes me parlaient. Je ne pensais pas que c’était si foisonnant, mais ça reste dans mes projets de lecture (un jour^^).

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    1. Il mérite de rester dans tes projets de lecture ! Je crois bien que je l’avais acheté il y a au moins deux trois ans, à la suite de la lecture du billet de Katel, je crois bien.

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    1. Alors, c’est vrai que l’on se perd un peu dans les filiations par moments. Mais, comme il y a parfois plusieurs chapitres consacrés à un seul personnage, tu as le temps de cogiter un peu. Pour ma part, j’ai décrété avec moi même que ce n’était pas si grave si je ne savais pas exactement qui était le fils de qui….

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