Mes soeurs, n’aimez pas les marins, Grégory Nicolas

Eloi_1Perrine balance des cailloux dans la mer de toutes ses forces en l’agonisant d’injures. Il faut dire qu’elle est fille, femme et mère de marins, de ces marins qui partent au large de Douarnenez sur la mer d’Iroise, en lançant, « ne t’inquiète pas, je ferai attention ». Mais voilà, les bateaux vont loin et parfois profond et la petite église en granit en garde la mémoire sur des ex-votos.

Perrinne a été avertie « Il ne faut pas aimer les marins » mais seulement voilà, perchée au cou du Fanch’ le fils Cadoret, à cause d’une cheville tordue sur la grève, le coeur s’est laissé prendre. Le mariage, le banquet, la petite maison en pierre, et cinq mois de bonheur avant l’annonce de la disparition de son propre père, en mer, corps perdu et nouvel ex-voto sur le granit. Et Fanch qui reprend la mer, la laissant seule avec Eliane, d’abord, puis Jean. Elle rage, lui en veut, mais ils sont si salés les baisers du retour des marins, dont on espère toujours que cette fois ci, ce sera le dernier. En 1929, Fanch ne revient pas de sa septième campagne de pêche. Eliane a six ans, Jean, trois. De leur père, elle ne dira pas grand chose, et tournera le dos à la mer. Parce que son fils restera à l’école un peu plus longtemps que les garçons du village qui embarquent dès leur 14 ans, elle se prend à rêver, il a une si belle écriture, il pourrait être instituteur, secrétaire de mairie, pas ex-voto sur le mur en granit. Mais si on peut décider de ne pas être femme de marin, mère de marin, on n’a pas le choix, et Jean, tout en jurant du « ma petite M’an », se fait le bourreau de sa mère et prend la mer à 16 ans. La seule promesse qu’il tienne est de lui écrire tous les jours et c’est par ses lettres que le récit s’anime des anecdotes de la vie maritime, les rigolades avec son capitaine, monsieur Tournellec, ses colères, le bosco taiseux, les peurs quand les lames couchent le chalutier par le travers. Et le patron lui cause de cette odeur de vanille d’une petite île au large de Tahiti …

Le nez dans les étoiles et le goût du sel tiennent Jean, et même la sémillante Paulette ne pourra pas le retenir, bien des années plus tard. Elle aussi aurait pu choisir un autre homme que Jean, ou alors le faire jurer, quand elle le pouvait encore, de renoncer au large mais, par orgueil, elle ne le fera pas même si, au contraire de Perrine, elle ne choisira pas l’attente éperdue. Aimer un marin, c’est trop cher payé. Même quand il revient.

Et que voilà un bien beau récit d’amour, d’égoïsme et de résistance. Si le récit de Perrine est celui de la tristesse et de la résignation, de l’amour éperdu d’une mère, les lettres de Jean qui l’interrompent parfois, ont le goût de l’aventure, jusqu’aux côtes de l’Angleterre pendant l’occupation, et puis plus loin encore, alors que Paulette résiste au pardon de l’homme aimé, insolente, indépendante, fière, et puis elle aussi mère et vaincue. Ce sont ces femmes les vraies héroïnes, celles qui maudissent la mer et aiment les hommes qui en rêvent.

Une participation au book trip en mer, mais aussi aux lectures sur le monde des travailleurs de la mer. (challenge monde ouvrier et mondes du travail)

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23 commentaires sur “Mes soeurs, n’aimez pas les marins, Grégory Nicolas

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  1. J’adore ce billet, cela donne vraiment envie de lire ce roman et je sais que ce roman ma plaira, allez hop ! dans ma liste !

    mon problème à ce jour c’est que je ne sais plus où je mets mes listes, j’ai tout essayé

    • le papier (je les perds)
    • en brouillon sur mon blog (il y en a tellement et depuis si longtemps que je ne consulte plus cette liste)
    • sur mon bloc note de mon téléphone (j’y ai même mis des listes en fonction des cadeaux que je veux faire, mon plus ancien « la fille du traitre » de Leif Davidsen noté chez Aifelle en 2019 et toujours pas lu )
    • à ma grande honte sur mon panier Amazon, (je ne les achète pas là mais je regarde de temps en temps ce que j’y ai mis et surtout je reçois des rappels et cela me permet de ne pas les oublier comme Stasisland de Funder)
    • ET … j’ai entendu parler d’une liste d’envie sur babelio que je n’ai pas encore essayée

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      1. C’est peut-être une solution … Mais je vais plutôt tenter Babelio … Enfin, quand j’aurais remis de l’ordre dans mes fichus carnets ^-^

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    1. Et bien, quelle inventivité ! Je n’avais pas pensé à faire des listes autrement que dans mes carnets … Ce qui ne marche pas non plus, parce que j’en ai plusieurs qui trainent à côté de l’ordi, et je prends le plus proche, qui n’est pas toujours le même, évidemment ! Et après, je ne sais plus où j’ai noté quoi ^-^

      Je vais peut-être tenter la liste d’envies sur Babelio …

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      1. Après avoir expérimenté les cahiers, les fichiers excel, le blog (où à une époque, une LAL côtoyait ma PAL…), je me suis retreinte au site de ma librairie habituelle, où on peut enregistrer une liste de souhaits. Et régulièrement, je l’écrête.. c’est le même principe que sur Babelio, finalement, et c’est pas mal.. Je crois surtout que l’important est de ne pas s’éparpiller…

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      2. Voilà, c’est mon problème, l’éparpillement … D’ailleurs, j’ai pensé à toi hier. Je suis passée devant une boite à lire, et malgré une tentative désespérée de ne pas regarder les titres, j’ai regardé les titres, et je suis repartie avec le voyant d’Etampes ^-^. Vive le tri des autres !

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    1. C’est une jolie histoire même si elle met en avant la tristesse des femmes dont les hommes finissent toujours par partir. L’écriture est fluide et le personnage de Paulette dynamise le tout. Après, il manque quelque peu d’ancrage réaliste car si les marins partaient en mer en Bretagne au début du XX ème siècle, c’était surtout par nécessité ! (et aujourd’hui aussi d’ailleurs !)

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  2. J’aime le commentaire de Luocine (je n’ai pas non plus résolu le problème). J’ai des listes sur le site de la bibli (hum, des biblis) que je consulte avant d’y aller. Quand c’est lu, tout arrive, j’enlève avec plaisir.

    Bon, ce coup ci, il n’y est pas (ouf et dommage)

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    1. Ces listes sans fin sont compliquées à gérer ^-^. Moi non plus, je n’ai pas la solution, si ce n’est d’arrêter de noter des titres, mais bon, on est d’accord, ça, ce n’est pas possible.

      Tant pis donc pour ce titre, mais pour le book trip, tu ne manques pas d’idée de toute façon. J’ai hâte de découvrir le classement de juin !

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    1. Oui, toujours partante, j’ai oublié de te le proposer chez Fanja. Tu dirais pour quand ? J’ai le titre en prêt sur ma liseuse mais je peux le restituer et le reprendre plus tard. Fanja parlait de aout, je crois.

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      1. En août, ça m’irait, j’ai un programme de juillet un peu chargé. 😉 Tu peux fixer avec Fanja une date qui te convient, je me procurerai le livre sans difficulté.

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      2. Ah très bien, vous en parlez ici.:) J’étais plus sur septembre au départ si j’embarquais, les cales étant déjà chargées à bloc cet été, mais entre-temps, je me suis aussi déjà laissée déborder sur septembre. 😅 Je préfère ne pas vous bloquer sur cette lecture, allez-y sans moi en août. Au mieux, je vois rejoins, au pire, je le lirai plus tard.

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      3. Je n’ai pas trouvé de mail sur ton blog, mais avec Katell, on a fixé le 26 aout finalement … Si jamais tu peux embarquer avec nous, ce sera un plaisir. ( et des points en plus ^-^)

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    1. En fait, mis à part dans les lettres de Jean, on ne navigue pas vraiment dans ce titre, on reste plutôt à terre avec les femmes de marins, et puis il y aussi l’histoire d’un autre fils, dont je n’ai rien dit …

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  3. Tu en parles bien, c’est plutôt tentant ! Ce titre, bien choisi, en dit long aussi. C’est fou l’attrait de la mer et des aventures maritimes tout de même. J’ai bien l’impression que ceux qui l’ont dans le sang ne peuvent s’empêcher d’embarquer malgré ses dangers. Il n’y a pas de sirènes, c’est la mer la sirène en fait.:)

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    1. J’ai beaucoup aimé le titre quand on me l’a conseillé … Et la mer a bon dos dans l’histoire ! Parce que le Jean, il est sacrément gonflé quand même ( mais je n’ai pas voulu trop en dire). Et puis, comme je le disais plus haut, même si j’ai beaucoup aimé cette lecture, les marins en Bretagne, ils allaient surtout gagner leur vie en mer. Certains avaient peut-être ce gout du large, comme Jean, mais c’est surtout un ressort romanesque ici.

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    1. Moi, j’avoue, la mer, c’est mon truc … Faut croire qu’avoir passé son enfance et son adolescence dans un port, ça vous met les embruns dans le sang. Enfin, je l’aime surtout vue de la terre, comme c’est le cas ici. Sur l’eau, je ne suis pas fiérote, en vrai …

      Et je ne suis pas certaine qu’il te plairait en fait, parce que ce serait peut-être un peu trop lisse, même si le travail des marins est largement évoqué, il n’est pas ancré dans une problématique sociale.

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