Bondrée, Andrée A. Michaud

Bondrée, de son vrai nom, c’est Boundary Pond, un lieu de villégiature entre le Québec et les USA, pour touristes tranquilles des deux nations et des deux langues. Des familles s’égrainent le long des plages du lac, dans des villas cabanes, cossues ou pas.

Ces résidents ne constituent pas vraiment une communauté, mais les familles sont des fidèles du lieu, elles se reconnaissent, et connaissent les enfants des uns et des autres. Deux adolescentes se détachent, elle forment un duo, un couple, jamais l’une sans l’autre, Zaza Mulligan et Sissi Morgan. Petites lolitas en cours de formation, elles agitent leurs ongles vernis et leurs jambes bronzées et chantent à tue tête l’air de cet été 1967, Lucy in the sky ….

Inséparables, un brin provocantes, elles fascinent  la narratrice, quatre ans de moins qu’elles et un air de garçon en trop pour faire partie du duo. Elle collectionne les bonbons que Zaza et Sissi lui donnent en lui caressant les cheveux et elles la surnomment littoldolle. Son père l’appelle puce ou punaise, sa mère la borde presque encore d’un bec.

Ce fut le dernier de ses étés à Bondrée, l’escalade tragique ne piégera pas que l’innocence des jeunes filles, mais aussi les silences et les pieux mensonges des adultes, les obsessions et les refoulements dont Zaza et Sissi furent les victimes. « That kind of girls » dirent les voisins juste après la disparition de la première, des filles un peu faciles, un peu aguicheuses, qui l’auraient un peu cherché, finalement, sauf que l’on ne peut que se taire après, et regretter de l’avoir même pensé …

Le mystère règne en ces lieux, parfois aussi épais que la forêt, aussi obscur que le coeur des pères qui aiment leurs filles, sans avoir su les protéger, et ceux des enquêteurs envahis par les visions des corps assassinés.

L’intrigue de ce polar n’est sans doute pas d’une grande originalité mais elle est entourée d’une opacité qui donne sa force au livre. On s’enfonce dedans en ayant peur que la vérité vous saute à la gorge, au détour d’un chemin creux, à l’orée d’une clairière, ou sortant des eaux du lac. Le rythme prégnant est aussi soutenu par l’utilisation d’expressions anglaises, non traduites, qui ponctuent le récit de la narratrice, comme autant de virgules qui rappellent la langue de Zaza et Sissi, les ramenant à la surface d’une légende qui poursuit les jeunes filles un peu trop belles.

Aussi chez Marie Claude

6 commentaires sur “Bondrée, Andrée A. Michaud

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  1. C’est très bien dit, tout ça. Tu as raison de dire que ce roman ne brille pas par son originalité. C’est plutôt son atmosphère et son écriture qui m’auront marquée. J’ai dans ma pal un roman de Michaud qui semble reprendre les mêmes thèmes, mais sans la dimension polar-roman noir. On verra bien!

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    1. Je ne sais pas si je suivrai cette auteure, mais ce que j’ai beaucoup, mais vraiment beaucoup aimé, c’est la fascination de la narratrice pour ces deux filles, le rapport parents enfants aussi … Finalement, il est beaucoup plus riche qu’il n’en a l’air ce livre ! J’aurais dû faire ma note en ce sens.

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