Veiller sur elle, Jean Baptiste Andréa

20170909-114714-rpbg3mMimo va mourir, il est très vieux, et depuis très longtemps hôte d’une abbaye, la Sacra, qui abrite depuis quarante ans la dernière de ses œuvres, une piéta, mise à l’index par le Vatican car elle provoquerait des désirs impies, des désirs obscurs et malséants. Mimo, c’est Michelangelo Vitaliani, né en France, né nain, orphelin d’un père sculpteur et exilé dans son pays d’origine par sa mère, qui pourtant l’aimait tellement qu’elle pensait lui avoir donné un coup d’avance en lui attribuant son prénom. Il s’est réfugié dans ce lieu saint pour veiller sur « elle » et aussi parce qu’il a beaucoup, mais vraiment beaucoup, pêché … Il faut dire que sa taille et son statut ont pesé lourd.

L’enfance fut maltraitée par l’oncle qui devait lui apprendre le métier. Celui-ci, violent, alcoolique le traite en esclave et malgré toutes les raclées, Mimo se relève, la tête toujours haute car certain de son génie inné. (déjà, le génie inné, ça m’a agacée …Mais ce n’était que le début … ) L’oncle déménage à Pietra d’Alba, petit village dont les consonnances résonnent comme les roses des pierres chauffées par le soleil de la Renaissance. J’imagine, je les vois, la fontaine au centre, l’église baroque, un peu en ruines, la villa des riches Orsini, maitres incontestés des terres d’orangers, aristocrates décadents à souhait (mais pas tant que cela en fait, l’auteur a posé des pierres dont il ne fait rien … ). Mimo rentre par un hasard (très, très gros, le hasard …)  d’un accident de chantier dans la chambre de Viola, la fille cadette. A l’âge de 13 ans, ils ont encore la même taille. Mais si Mimo est certain de son génie, il est inculte, et elle, trop intelligente pour sa famille et le destin qui lui incombe. Ses rêves la brulent et enflamment Mimo. Vu qu’elle se couche sur les tombes pour parler avec les morts lors de leurs rendez vous secrets dans le cimetière, elle est quand même sacrément rebelle … Elle lui donne le goût des livres qu’elle vole pour lui dans la bibliothèque de son père … Elle apparait, disparait, l’entraine dans son rêve fou de construire des ailes, des ailes en vrai, qui permettraient de voler vraiment. Ce qu’elle tente de faire le jour de l’annonce de ses fiançailles, en s’élançant du haut de la villa pour s’écraser dans les bois, le corps brisé ( c’est l’envol fatal, genre Icare), et le coeur de Mimo avec …

Bon après, ça devient long, très long … on suit l’ascension de Mimo  vers la gloire qu’il obtiendra grâce à  l’avènement du fascisme, avec l’aide des frères Orsini ( un qui a un pied au Vatican, et l’autre dans les chemises noires, évidemment …) et l’enfermement de Viola dans une figure de femme malheureuse, au destin rogné par les conventions … Les récits des beuveries du créateur tourmenté, en proie à ses démons prennent beaucoup de place, à Florence, dont on n’aperçoit que les reflets des bas fonds, puis à Rome, sous Mussolini triomphant, le sculpteur, de plus en plus opportuniste ( et de moins en moins crédible ) s’acoquine avec les ors du régime pourrissant, se redonne une virginité en un coup d’éclat tiré du chapeau. Les traitrises laissent la place aux envolées lyriques … Bref, tout sonne creux, son amitié avec Viola, son envol et la chute, la rédemption … Les deux sont fantôches, taillés dans des habits trop grand pour eux, le créateur maudit, la proto féministe aux sursauts de puces, perdus dans une fresque qui brasse à tout va des poussières de réflexions sur l’art, même les faits historiques semblent factices.

Cet écrin de lecture, qui avait tout pour me plaire, s’est transformé en pensum. Et lorsque la révélation finale sur la nature mystérieuse de la Piéta arrive enfin, j’ai juste soupiré encore une fois de déception.

30 commentaires sur “Veiller sur elle, Jean Baptiste Andréa

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  1. Je commençais à me dire que tout le monde était emballé par ce roman… Ça me rassure de voir que ce n’est pas le cas (l’unanimité me paraît souvent mauvais signe). J’attends que l’effet Goncourt soit passé pour tenter un emprunt en médiathèque et j’aurai moins d’attente grâce à ton avis !

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    1. Mis à part ma libraire préférée, qui adore cet auteur, ( ce qui m’étonne fort maintenant que je l’ai lu), les sons de cloche sont plutôt négatifs autour de moi.
      Et une amie a même trouvé que mon article était plutôt gentil ….

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    1. Je ne l’offrirai à personne en ce qui me concerne ! Même si on me supplie … Mais il se vendra très bien, de toute façon et tant mieux pour ma librairie préférée ( indépendante, bien sûr … ) !

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  2. J’ai aimé mais surtout pour l’analyse que je trouve assez fine de la montée du fascisme, mais c’est vrai que c’est un roman un peu long. Je trouve qu’en général on accepte mieux les longueurs des auteurs américains que français .

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    1. Je n’ai pas vu beaucoup d’avis passer sur la blogo … Mais je vais y prêter attention maintenant. Parfois, il y a des livres que je n’aime pas, auxquels je n’accroche pas plus que cela, mais dont je comprends quand même l’intérêt et le goût, mais là … non.

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  3. Je fais partie de ceux qui ont aimé le livre. Pas au point d’écrire un billet dithyrambique mais je l’ai lu comme un bon roman d’aventure. Bien sûr, tout n’est pas toujours crédible mais cela ne m’a pas gênée plus que ça. Il faut parfois forcer le trait et inventer de nombreuses péripéties pour donner du rythme au roman (mais je sais que tu l’as trouvé ennuyeux justement). Ceci étant dit, je peux comprendre que certains aspects de la narration puisse agacer. Il y a effectivement beaucoup de scènes de beuveries, par exemple.

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    1. Disons que les péripéties qui se succèdent me sont apparues de plus en plus lourdes à digérer : le summum étant sans doute le retour du nain dans le droit chemin de la résistance anti fasciste ! ( et hop, le sauvetage de la vieille dame juive, dans le chapeau du magicien …)

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    1. Non, je ne suis pas du tout la seule … Sur la blogo, je ne sais pas, mais autour de moi, c’est plutôt l’unanimité perplexe devant son succès ! Et il n’y a pas que le style qui est ampoulé, l’ego du personnage est boursouflé et insupportable.

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      1. Je l’ai feuilleté, heu ça m’a l’air d’une écriture sans grande originalité. Attention, j’ai franchement aimé le Lemaitre, dit roman populaire!

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      2. Lemaitre, j’adore ! Les deux écritures sont effectivement très différentes, celle d’Andréa est affectée, un peu précieuse. Et puis, il manque de souffle dans ce roman, en tout cas. Les intrigues de Lemaitre ne sont pas crédibles non plus, mais au moins, c’est assumé, et drôle !

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    1. A la fin, je n’en pouvais plus ! Et puis, plus de vingt euros pour m’ennuyer à ce point, ça m’a énervée … Pas certaine de tenter un autre titre de cet auteur, même je suis curieuse de comprendre ce qui fait son succès.

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  4. On voit décidément ce livre partout ! Je suis en train de le lire. J’aurai terminé demain. Malgré les presque 600 pages, je ne l’ai pas trouvé trop long. Pas déçu du tout. J’ai finalement beaucoup aimé même si le début de lecture a été un peu fastidieux.
    Le problème avec ce genre de livre, c’est qu’on ne sait pas ce qui est historiquement correct et ce qui est inventé par l’auteur…
    PS Je ne l’ai pas payé : c’est le Père Noël qui me l’a apporté…

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    1. C’est un Goncourt, donc effectivement, il est très commenté et offert. Moi, je l’avais acheté avant le prix, convaincue par ma libraire de tenter la découverte de cet auteur … Comme tu l’as lu, ce fut une grosse déception !
      Pour l’aspect historique, je pense que tous les personnages en tout cas sont inventés , ils représentent des facettes de la réalité : je pense aux deux frères de Violetta, par exemple, représentatifs de l’Italie fasciste.

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