Ultramarins, Mariette Navarro

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Pour aborder le Book trip en mer de Fanja, je me suis embarquée dans un récit qui n’est ni une croisière ni une déferlante. Pas de tempête, si ce n’est dans la tête du personnage, Mariette, commandante d’un cargo de conteneurs qui traverse l’Atlantique.

Depuis, trois ans, qu’elle est la cheffe de ce bateau, elle accepte toutes les missions, les plus longues, celles qui n’arrangent personne, pendant les vacances scolaires, Noël … Calme, sûre d’elle, elle a fait ses preuves et certains marins demandent même à naviguer sous ses ordres tant elle maitrise la mécanique humaine, elle sait composer et équilibrer la force des humeurs. Les marins, elle les aime taiseux, les paroles, techniques et efficaces. Elle fait corps avec sa fonction, son bateau, la terre ne veut pas d’elle. Fille d’officier, elle n’a d’ailleurs aucune autre attache de ce père qui a sombré dans un silence si profond qu’elle ne peut plus l’atteindre.

Et pourtant, elle donne son accord à un pas de côté lors de cette traversée jusque là ordinaire : immobiliser la bateau pour que l’équipage s’octroie une baignade en pleine mer. Un canot descend les vingt hommes, nus, elle reste seule à bord pendant la demie heure durant laquelle les marins frôlent les abysses. Le roman s’attarde sur le plaisir mitigé et trouble qui les envahit dans l’océan, petits bouchons flottant à l’ombre du cargo gigantesque, et gigantesque aussi la profondeur des fonds marins en dessous d’eux. Ils perdent leur repères, sans plage ni rivage, en panique un peu. La commandante les observe à la jumelle, ces corps masculins devenus anonymes et paradoxalement attirants. Il lui prend des désirs vagues, partir seule, être l’unique sur le cargo, mais aussi se frotter à leur intimité, elle s’introduit dans le désordre d’une cabine. Puis les remonte sur le pont.

Ils se comptent, descendus à 20, ils sont maintenant 21. Une erreur. Puis, un brouillard enveloppe le bateau, comme une chappe, le moteur ralentit et il semblerait que la pompe du navire se mette à battre à son propre rythme. l’équipage n’y comprend goutte et s’inquiète, d’autant plus que la commandante se met elle aussi à dériver dans les profondeurs d’une sorte de rêve éveillé, qui fait qu’on la retrouve allongée dans les cursives les plus inattendues. Et là, j’ai commencé à ricaner. La commandante rigide et hermétique écoutant le coeur du bateau battre, l’oreille collée au métal du pont, j’ai visualisé la tête du marin, et là, pour l’empathie, j’étais passée de l’autre côté …

La rationalité du récit, déjà tangente, dès le départ, s’éloigne de tous repères. La traversée achevée ( le roman est court), je suis restée dans le brouillard, totalement hermétique à cette plongée dans les eaux troubles de l’inconscient de la commandante. Je n’aime pas qu’on m’enferme dans une boite noire alors que je n’ai rien demandé et que je me retrouve coincée dans le caisson insonorisé du vertige personnel de cette femme glaciale dans son détachement. L’écriture est belle certes, mais c’est un roman de sensations, voire de « ressentis », on reste à la surface, il m’a manqué des sentiments, des bons gros sentiments, de la chair, du sel, des embruns, de la vraie peur de fiction, et en plus, le mystère du 21 ème, il s’est autodissout en cours de route. Le cargo a dû le manger dans un moment d’égarement mystique.

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26 commentaires sur “Ultramarins, Mariette Navarro

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    1. Je ne suis pas toujours à l’aise dans l’étrange non plus … Il me faut un fond historique, ou ethnologique pour que ça m’accroche. Ce n’est pas le cas ici, j’ai donc flotté dans le brouillard. Pourtant, l’amie qui me l’a conseillée était convaincue et on est souvent en accord …

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  1. Ah zut, ce titre est sur ma liste des 20 ans de blog…

    et je me demande comment WordPress peut choisir en « Sur le même thème » pour ce texte les 3 volumes du « Retour à la terre » de Larcenet… Leur choix m’ont toujours semblé très bizarre, je ne sais pas sur quoi les algorithmes se fondent alors je le fais moi-même.

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    1. J’ai fureté sur la blogo ce matin et si A girl n’a pas été convaincue non plus, Keisha a été embarquée et certains avis sont même dithyrambiques … Alors, peut-être qu’entre deux rangées de petits pois, il t’embarquera ?

      Pour choisir les livres qui apparaissent « sous le même thème » , il doit falloir avoir l’option « payante », ce pourquoi je laisse world press décider mais c’est vrai que parfois je m’interroge sur les liens ainsi créés, c’est même parfois assez drôle comme ici … Sans doute le personnage du mage de Larcenet qui s’est trompé de parapluie ? ^-^

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  2. Je n’arrête pas de changer d’avis sur ce roman : un billet et je suis prête à le lire ; un autre et je n’ai plus envie du tout … pour l’instant je ne bouge pas 😉

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    1. J’ai lu pas mal d’avis du coup, ce matin et ils sont tanguants … Les premières pages donnent vite un aperçu, je trouve ( dès la fin de la scène de la baignade, je savais que c’était mort pour moi )

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    1. Je suis en pleine mer, là, avec « Pour mourir le monde » ! ça balance beaucoup plus.

      A vrai dire, heureusement que le titre est court, ça m’a permis de le terminer sans trop me dire que je perdais mon temps.

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  3. Je ne sais pas si le roman me plairait car il a l’air assez destabilisant mais ce qui est certain, c’est que je suis très intriguée. Dans ce genre de cas, j’ai tendance à me pencher sur la version audio quand elle existe.

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      1. En fait, je suis un peu influencée par ma lecture actuelle. Je suis en train d’écouter un polar et je n’arrête pas de me dire que, en format papier, je ne l’aurais pas poursuivi … J’en vois tout les défauts, mais ça passe quand même !

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  4. Tout pareil pour moi, je n’ai pas trouvé la lecture désagréable mais je suis restée dans le brouillard, d’ailleurs je n’ai rien écrit dessus à l’époque. Une atmosphère mais rien pour m’accrocher dans son sillon…

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    1. J’ai attendu un petit moment qu’il se passe quelque chose, et puis j’ai posé la question à l’amie qui me l’avait prêtée (j’en étais juste à la fin de la scène de la baignade) qui m’a répondu  » en quelque sorte, oui ». A partir de là, j’ai poursuivi ma lecture en roue libre … Mais tu as raison, ce n’est pas une lecture désagréable non plus.

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  5. Je te rejoins, et comme Nicole, je n’ai rien écrit, parce que j’étais très perplexe. Dommage, ça commençait bien, un peu d’étrangeté ne me dérangeait pas, mais je suis restée toute bête, en plein milieu de l’océan.

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    1. J’étais presque convaincue par la scène de la baignade qui est assez fascinante, mais j’ai l’impression que l’autrice a écrit ce livre juste pour cette scène, parce qu’après, ma foi, ça se délite, on ne voit pas le sens de la dérive de cette femme.

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  6. Ahaha ton billet m’aura bien fait rire tellement je me suis reconnue dans ton désarroi et ta perplexité. Et j’adore cette phrase « Pas de tempête, si ce n’est dans la tête de la commandante » ! Tu as raison de souligner en commentaire que ce roman a trouvé son public tout de même. Bon, nous serons restées sur le quai, c’est ainsi. J’ai embarqué depuis pour des aventures moins fantasmagoriques et plus enthousiasmantes à mon goût. Heureusement !^^

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    1. Tout à fait, ce book trip m’a fait noter pas mal de titres, il a un beau succès ! Et j’ai quitté les quais pour la pleine mer avec de vraies tempêtes et des frissons de plaisir …

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