Deux frères se marginalisent ; le plus jeune, le narrateur, Homer, est devenu aveugle très jeune, avant, il avait le look de Franst Lizt, il est resté musicien. Le plus âgé, Langley, est parti faire la guerre en Europe en 1914, il en est revenu, les poumons atteints et le moral pas mieux.
Ils habitent depuis toujours une gigantesque maison à New-York, sur la cinquième avenue, en face de Central park, une demeure cossue, remplie de ces meubles et objets qui étaient les marques du standing de leurs parents. Le père, médecin, la mère, femme de médecin,, semblent avoir mené une existence distante mais convenable à leur rang, juqu’à leur disparition rapide du récit, à la faveur de l’épidémie de grippe espagnole.
Voilà les deux frères livrés à eux-mêmes, sans attaches, et ils vont se reclurent sans autre raison apparente que la colère de l’aîné contre toute institution, banque, compagnie d’eau, d’électricité, de téléphone. Asociaux, soudés dans leur solitude, le récit retrace leur lente décrépitude, sans véritable but.
Langley collectionne, ramasse, entasse, moralise, travaille sans relâche à sa théorie du « tout remplaçable » qu’il compte illustrer par l’édition d’un seul journal, universel et définitif. En guerre contre le monde, il transforme la demeure en un labyrinthe hétéroclite de plus en plus étouffant.
Homer joue du piano, et se prend parfois d’amour pour une figure féminine qui croise leur existence d’ermites volontaires. Il y a la première, Mary Elisabeth, pure et virginale élève musicienne, qui jamais ne reviendra franchir le seuil de la maison barricadée. Et il y a la dernière, celle pour qui Homer écrit, celle qu’il nomme sa muse, Jacqueline Roux, écrivaine française, croisée dans l’obscurité du parc et de sa vie, sans que l’on ne sache trop si elle est fantasme ou réalité.
Au cours du récit, d’autres incursions de l’extérieur se font à l’intérieur, comme des échos du monde qui bouge et palpite, là dehors, alors que la grande maison se remplit, que les deux frères se figent dans une opposition stérile au progrès : un chanteur de jazz, un gangster, quelques hippies, un couple de domestiques japonais. Puis, le vide social se creuse, naissent des rumeurs, alors que la maison s’écroule sous le poids de deux existences inutiles et vaines.
Le récit est souvent drôle, et pourtant pathétique dans son propos. Il est inspiré d’une histoire véridique, celle des frères Collyer, atteints de syllogomanie. Est-ce pour cela, que, même si se lit avec plaisir et sans ennui, il m’a manqué un peu de chair et d’âme ? Je veux dire qu’il m’a manqué un dépassement de la chronique d’une décadence annoncée, une prospection plus romanesque sur le pourquoi de cet enfermement moral de deux fils, apparemment dotés de tous les attributs de deux fils de bonne famille, et qui virent Diogène.
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