Dérangé est dérangé mais organisé. Ses vêtements portent sur le dos l’inscription du jour de la semaine. Tous les jours, il les lavent et les pend sur le fil de sa courette. Tous les matins, il se bat contre les poules du voisin qui fiente dessus. Tous les matins, dérangé se rend au port de Mutsamudu, le port international des Comores. Les marchandises affluent au gré des bateaux qui les déversent avec des voyageurs pressés, comme les pauvres dockers qui grouillent autour, de faire des affaires. Dérangé est l’un d’entre eux, un peu moqué, un peu méprisé, mais Dérangé sait qui il est, solitaire, honnête, travailleur et indifférent aux sourires et commentaires goguenards que lui même et son chariot attirent. le chariot-vélo-triporteur est comme son propriétaire, déglingué, avec un nom de guiguois, caRleWis, un sportif dont Dérangé a vaguement entendu parlé. Les autres triporteurs des autres dockers ont des surnoms bien plus orgueilleux, ça attire les clients.
Parmi les concurrents de Dérangé, trois se haussent du col, les pipipi, Pirate, Pistolet et Pitié. Ils roulent des mécaniques , le vacarme constant de leurs klaxons résonne aux oreilles de Dérangé comme de la jactance insolente, leur défis le laissent de marbre.
Et pourtant, c’est Dérangé qui a mal fini, malgré toute sa sagesse et sa philosophie de docker miséreux mais tranquille, parce que lorsqu’on le découvre, il git au fond d’un contener, les mains liées derrière le dos. Le vacarme des klaxons des pipipi lancés en pleine course dans la Médina a laissé place au vrombissement d’une mouche qui s’obstine à établir sa demeure dans la bouche de Dérangé, éclatée et sanguinolente.
C’est à toute vitesse que en deux journées et deux nuits, le monde de Dérangé va se transformer en machine infernale, lui qui voulait tellement éviter les embrouilles, elles vont le rattraper et s’accumuler comme plaies et bosses.
Les humbles n’ont pas toujours leur revanche, ni leur mot à dire … Les mots de Dérangé sont déglingués, eux aussi, un peu à côté de la norme, aussi subversifs que candides, châtiés et chaloupés, cadencés. Il dit les cahots de son destin tragi comique avec grandeur, un certain panache, celui des purs dont on ne voudrait pas la chute.
Pauvre Dérangé, en effet! Si sympathique, ce gars là…
J’aimeJ’aime
Pauvre, pauvre Dérangé, comme tu l’écrivais dans ta note …. Publiée il y a un an, quasiment jour pour jour, j’ai mis tout ce temps à suivre ton très bon conseil. Tout ce j’espère pour cette année de lecture qui commence, c’est que d’autres prendront le relais pour rencontrer Désiré à leur tour !
J’aimeJ’aime
« celui des purs dont on ne voudrait pas la chute » c’est beau, et ça dit bien ce roman…
J’aimeJ’aime
Et six mois après toi, Katel ! presque jour pour jour aussi, L’esprit de Dérangé survit donc quelque part. Et je te rejoins bien sûr ce que que tu disais de la langue, si singulière, mais toujours compréhensible, comme l’écrivait aussi Keisha.
J’aimeJ’aime
J’ai dû échapper aux billets le concernant, parce que je m’étonne de ne pas l’avoir noté, ça a l’air bien !
J’aimeJ’aime
Comme tu le vois, Dérangé aura mis un certain temps à arriver par ici, mais c’est un beau personnage, et pas seulement, c’est aussi une langue très travaillée. Les trois premières pages, je me suis dit « mais qu’est-ce c’est que truc … ??? ». Et après, fini, j’étais embarquée dans son sillage.
J’aimeJ’aime
j’aimerais moi aussi connaître ce « dérangé » même si je soupçonne ce livre d’être triste.
J’aimeJ’aime
Le livre est triste, et drôle, drôle et triste. L’avantage est que comme tu sais dès le début que Désiré est dans un sale état, tu ne tremble pas pour lui à la fin, c’est trop tard …
J’aimeJ’aime
Il est sur ma liste à lire et il est à la bibliothèque. Alors … il suffit que je lui fasse une place.
J’aimeJ’aime
Franchement, une petite place suffit, je l’ai lu en une soirée …
J’aimeJ’aime
Tu parles très bien de ce personnage et j’ai beaucoup aimé Mon étincelle du même auteur. Et j’adore la maison d’édition qui porte et soutient tout ce petit monde. Donc why not ? Bises et très belle année 2020 à toi et aux tiens.
J’aimeJ’aime
C’est un très beau personnage, un peu tout cassé dès le début, mais avec une dignité décalée touchante et drôle. je pense que je reviendrai vers cet auteur, même si visiblement, celui-ci est le plus accessible, d’après ce que j’ai lu.
Je te remercie bien pour tes voeux, et je te souhaite de même de belles lectures auprès de tes proches.
J’aimeJ’aime
Il faudra vraiment que je tente cet auteur un jour. Dérangé m’a l’air plus accessible et me parle davantage qu’Anguille sous roche. À voir si je pourrai le caser cette année. Très belle année pleine de belles découvertes livresques en passant ! 🙂
J’aimeJ’aime