Joël Williams, enfant et adolescent, non seulement s’est réjoui de l’incarcération de son père, mais son plus bonheur aurait été que celui-ci meurt dans un accident de voiture. Comme ce fantasme ne s’est jamais réalisé, il l’a tué. A peine adulte, il a vidé son arme sur son tortionnaire, dans une nuit de défonce …. Il dit avoir aussitôt compris que les rôles venaient de s’inverser et que lui, ne serait jamais libéré de ce geste. Au moment où il écrit ce constat, il a 46 ans, il est emprisonné depuis 25 ans, condamné à perpétuité. Il est aussi devenu écrivain.
Le recueil comporte deux séries de nouvelles : la première » Dérives urbaines » est une suite de récits évoquant les chaos de sa vie d’avant la prison, nuit sales mais intenses, plongées dans les bas fonds de Los Angeles. » Le plus dur c’était de vivre » écrit-il, après les coups et les sévices du paternel, l’abandon de sa mère, le départ de la belle mère, le mépris de soi, l’errance est alcoolisée, noire et sordide. Joël Williams écrit comme on balance des coups de poing, esquissant un alter égo, Jack Wallace, déchu, dégradé, paumé dans une violence prégnante. Si il escalade une nuit les lettres de lumière d’Hollywood, c’est juste pour se pisser dessus.
La deuxième série, » Derrière les barreaux » met en scène ce même Jack Wallace, dans le quotidien de la rétention et le ton y est paradoxalement, plus calme et plus intime. Il y raconte, par exemple, ses histoires d’amour, car, aussi étonnant que cela puisse paraître, il entretient via petites annonces et correspondances des relations sentimentales, qui si elles avortent inéluctablement, ont un côté fleur bleu. Ainsi, il se prend d’une jalousie adolescente envers un autre détenu qui reçoit les visite de la même visiteuse ( quelque peu hystérique par ailleurs … )
Et puis, surtout, il s’y affirme écrivain. Ses textes sont assez elliptiques, le meurtre du père est relégué en périphérie. Un fax similé du registre des sanctions montre cependant qu’il n’a pas été un détenu exemplaire, qu’il régulièrement écopé de sanctions pour coups et blessures, qu’il a participé à des trafics de drogues et a fabriqué de l’alcool en prison. Joël Williams m’a paru être un survivant de lui-même et c’est par ce biais que ses textes sont touchants. Il semble vouloir soldé rages et combats, en laissant derrière lui l’enfant battu, ignoré, que sa mue soit littéraire.
J’ai pas mal cherché sur la toile à savoir si finalement, il a bénéficié d’une liberté conditionnelle, si il a réussi à trouver un coin où se caser, se poser. Quand on a tué son père, vécu des années en prison, vivre doit être un autre combat.
En tout cas, il n’y a pas d’autres publications que ses nouvelles, et elles ne sont même plus publiées. Alors, un grand merci à Ingamnic qui m’a permis de découvrir ces textes vraiment singuliers, par leur contexte mais pas seulement, parce qu’ils sont aussi les traces d’une errance finalement fort émouvante.
J’ai lu ce texte il y a déjà quelques années mais je pense que je ne l’oublierai jamais. C’est vraiment terrible et injuste ce que cet homme a vécu.
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Ce sont des textes et un témoignage difficilement oubliables, c’est certain. Il est vraiment dommage qu’une maison d’édition ne les réédite pas. J’aimerais bien en savoir quand même un peu plus sur son parcours …
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Quel destin ! Et quelle injustice s’il doit ne jamais sortir de prison…
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Je n’ai pas réussi à trouver des infos là dessus, sauf un blog qui raconte qu’il aurait correspondu avec une jeune femme qui serait aller le rencontrer après qu’il soit sorti de prison. Mais je ne sais pas si ce témoignage est fiable …
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Un livre fort et sombre visiblement.
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Oui, et qui dépasse la dimension du simple témoignage, il y a une vraie écriture. les nouvelles sont inégales en qualité, il est vrai, mais l’ensemble est très touchant.
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Tu rends un bel hommage à ces textes qui m’ont marquée par leur sincérité et leur éloquence. Je suis ravie qu’ils t’aient plu aussi. Et j’ajoute le lien vers ton billet au récap sur les Minorités ethniques !
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Merci à toi de m’avoir permis de lire ces textes. Je m’attendais à être plus secouée, mais en fait, la deuxième série en prison est assez distanciée et m’a presque fait sourire par moment, notamment dans le texte où il raconte ses « amours » avec la visiteuse qu’un autre détenu convoite … Je me demande quelle genre de femme peut « jouer » ainsi avec des détenus !
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quelle horreur ! l’enfance martyre et ensuite la prison pourvu que l’écriture le libère u peu !
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Il semblerait que oui, mais il n’évoque jamais son crime … Alors, la dimension « thérapeutique » passe après la littéraire ( du moins, c’est l’impression que j’ai eue.)
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Après avoir lu ton billet, c’est vrai que l’on aimerait savoir ce qu’il est advenu de lui. Quand on a vécu ce qu’il a vécu enfant, comment aller droit après ? franchement on se le demande. C’est là que l’on voit la limite de la prison.
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Absolument ! Surtout qu’il ne nie pas du tout sa violence, même pendant la prison. Il ressort de ses textes une grande solitude, comme si seule son écriture lui donnait l’espoir de sortir. C’est vraiment singulier comme lecture et poignant. On ne peut que regretter l’absence de réédition.
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