Le coeur glacé, Almudena Grandes

On ouvre la porte de l’appartement parisien de la famille Fernandez, ( au jeu des sept familles, je voudrais les grands parents : républicains exilés), en se laissant guider par la petite main de Raquel, la petite fille, mi-française, mi-espagnole, le jour de la mort de Franco ( en fait le roman ne commence pas vraiment comme cela, mais, c’est parce que j’ai adoré ce moment, une sorte de fête triste, comme si le mort détesté était mort trop tard pour que ce moment soit vraiment une délivrance, voire un soulagement …), et l’on sent les odeurs d’aubergines grillées et d’ail.

Les Fernandez vivent à Paris, comme d’autres espagnols, une petite communauté, parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement, ces anciens combattants de leur guerre et de leur Espagne perdue, solidement accrochée au coeur et non à la raison. parce que le grand père l’a dit et redit qu’il ne retournera jamais dans son pays qui n’est plus son pays, dans son Madrid qui n’est plus son Madrid, pays de fascistes, Madrid de fascistes. Mais voilà Franco est mort … La route n’est pas libre, mais le retour est possible. Grands parents, parents, et Raquel y retournent donc.

C’est un livre qui parle de cette parole là, celle de deux générations, celle des grands parents et celle des petits enfants, entre les deux, on touche pas trop. Mais le grand père Fernandez va donner quelques clefs à Raquel, la seule qui veut bien savoir, voudrait savoir plus, mais trop de non dits et trop de volontés d’oublis éludent ses questions, et les réponses, aussi.

A Madrid, il y a, il y avait, les Fernandez, mais il y a, il y avait les Carrion, la famille fasciste, les vainqueurs, les salauds, évidemment entre les deux, on s’est croisé, on va se recroiser et règler des comptes, forcément. Va et vient passé, présent, va et vient méchants, gentils, double régal pour la lectrice amoureuse de destins croisés et surtout d’Espagne.

Première couche de plaisir : la guerre d’espagne côté républicain, les coeurs généreux et fiers. Deuxième couche : le retour d’exil, les balades dans les rues du vieux Madrid que le grand père Fernandez fait goûter à Raquel, friandises de souvenirs, petits déjeuner dans les cafés, tapas et petits verres à l’ombre des ruelles tortueuses et des souvenirs qui ont gardé vie.Troisième couche : l’Espagne aujourd’hui, quand Raphaël Carrion, descendant du beau, du fringant, du puissant, du solaire, du mystérieux, du pas clair du tout, Julio Carrion, croise et entrecroise son passé et se le prend dans la figure. D’où vient ce père, d’où vient sa grand-mère à lui, de quel village, de quelles compromissions, de quelles trahisons a été  faite la fortune familliale ?

Il y a deux tomes, et ce n’est que le premier, et pour l’instant, du côté des républicains, c’est un sans faute (Ouf !!!). Bon, bref, j’ai adoré, tous les ingrédients de la saga historique bien menée (malgré quelques longueurs quand … tombe amoureux de …. et que il va découvrir que …. sauf que nous ça fait un moment que l’on a compris que ….), plus un bon gros doigt bien pointé sur l’accueil que la France (républicaine …) a fait à ses combattants que l’exil avait rendu pathétiques dans les camps de la frontière, gardés et parqués comme des coupables.

Ben ouais, en plus, c’est humaniste comme livre !

Source de l’illustration : Camp provisoire près d’Amélie-les-Bains. Collection Rodriguez (fonds Chauvin). Juan, Album souvenirs de l’exil républicain espagnol en France.
Centre de rassemblement puis centre d’accueil pour Espagnols et membres des Brigades internationales, ouvert en février 1939.

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