L’ antarctique, Claire Keegan

Je me suis dit : « Tiens, je vais lire un recueil de nouvelles de Claire Keeman » , d’abord parce j’ai adoré Les trois lumières, et puis, que je pouvais du coup entrecroiser avec un roman, plus au long cours, un coup, une nouvelle, un coup, le roman au long cours (bon pas un Echenoz, pas un Louise Erdrich, pas un Sandor Marais, pas un Oates, ce qui en élimine pas mal de ma « pile prévue »). L’idée étant de m’empêcher de lire toutes les nouvelles à suivre et après de toutes les mélanger dans ma tête. Un peu comme un pot en plastique rempli de bonbons haribo qui mélange les fraises tagada et les bananes jaunes fluo, parce qu’au bout d’un moment, je ne sais plus si je mange une fraise ou une banane, ce qui me gêne, même si j’aime bien les deux. Mais j’aime aussi savoir ce que j’ai en bouche.

Raté. j’ai tout avalé à suivre, le bien, qui m’arrachait des  sentiments larvés, le moins bien, qui me laissait de marbre mais toute aussi impatiente de lire la suivante, de nouvelles, au cas où la lumière des trois lumières reviendrait clignoter, et elle revient souvent. d’abord, dans la délicatesse de « Des hommes et des femmes », où la petite fille qui ouvre les barrières de la ferme dans le froid alors que son père reste dans le chaud de la voiture, verra sa mère , au détour d’une salle de bal, frôler l’émancipation et que la silhouette paternelle s’estompera devant l’impuissance d’une femme qui se redresse, un moment, du moins. Silhouette encore dans « l’amour dans l’herbe haute », celle de Cordélia, si solitaire dans son attente pathétique et improbable de la lâcheté d’un homme qui ne sait choisir entre elle, l’aventure, la tranquillité de son quotidien et recule le choix dans un lointain futur : le rendez-vous sera pourtant tenu, même si ce ne sera qu’esquisse d’une crépusculaire fin. « Orages » où l’amour de la fille vient tenir par la main la folie de sa mère, à moins que ce ne soit l’inverse. Et celle qui m’a touchée jusqu’à la moelle, la revanche de la sœur oubliée dans « Les soeurs », quand l’oubliée tranche dans le vif et démasque les faux semblants, juste avec un bon coup de ciseaux là où ça fait mal. ( Là, comme une gamine, je me suis dit : « Bien fait, pour ta tronche ! »)

Ce cadre compressé de la famille restreinte, est si souvent repris qu’il peut lasser (mais pas moi), où se tisse et se découse un amour loin d’être éternel, ni évident, mais où l’éphémère, même éphémère, rassure, et même bancal, laisse à l’enfance une voix prégnante. Beaucoup d’histoires de femmes, beaucoup de tendresses et de voix larvées, en sourdine, un fil du rasoir.

A consommer donc avec délectation, mais modération, sans gourmandise excessive, car une nouvelle ne valant pas l’autre, faut pas confondre les bananes avec les fraises.

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