Les oreilles de Buster, Maria Ernestam

Eva a sept ans quand elle décide de tuer sa mère, ce qu’elle fera dix ans plus tard. C’est la première phrase du roman, donc, c’est comme si je n’avais rien dit, puisque c’est la première phrase qu’écrit la narratrice dans son journal intime, bien des années plus tard.

Eva a alors cinquante six ans, un compagnon attentif à ses défauts, une fille adulte en plein divorce mais ce n’est pas ça faute, des petits enfants plutôt judicieux, surtout la petite qui lui a offert le fameux journal intime, une roseraie en pleine floraison (Eva adore les roses, les pétales de rose et les variétés qui embaument et piquent à la fois, on comprendra pourquoi après, évidemment), des amies fidèles ( dont une trop grosse et l’autre qui parle trop, de frustration les deux atteintes), et une vieille femme acariâtre et tyrannique qu’Eva doit protéger de ses propres démons (vieille dame détestée par sa fille, vieille dame qui a fait du mal à sa fille, fille qui se venge, vieille dame qui ne se repent même pas, mise en abyme ne pas s’abstenir …)

On revient en arrière à peu près un chapitre sur deux pour reprendre l’histoire d’Eva à ses débuts, dès la première saloperie que lui a fait sa mère, à la dernière, celle où elle va clouer le bec définitivement à la vipère. C’est un peu comme dans un conte normal, sauf que la mère est la marâtre.

Jeune, belle, élégante, la mère d’Eva est cruelle, caractérielle, exigeante, capricieuse, vorace, égocentrique, méprisante, surtout. Elle travaille dans le monde de la mode, superficielle et fêtarde, elle aime les cadeaux de prix, les hommages à un dévouement en échange de ses sacrifices à une vie de famille qui l’ennuie, dont elle se débarasse. La belle (mère ?) se vit en martyre de sa fille, la petite Eva qui l’adore de sa face blanche et la déteste de sa face noire, qui l’admire et voudrait tant en être aimée, mais la mère se dit martyre de cette fille si peu conforme à ses désirs, de la vie domestique qui l’oppresse et lui ôte toute liberté. Le père d’Eva vit à la botte des exigences de sa femme, lui passe désamour et caprices. Rien n’y fait, une accalmie durement payée succède à une hystérie survoltée. Le genre de mère qui vous taille un Noël en pièce pour un cadeau mal placé.

Les trahisons d’amour se succèdent pour Eva, du renvoi de sa jeune gouvernante tant aimée, Britta, au refus d’un hamster, les brimades fusent comme des blessures à froid. Eva se dit ne plus avoir le choix, c’est elle ou elle. Il faut tuer la bête immonde, et c’est qu’elle l’est immonde, la mère, si bien qu’Eva, on la comprend, on est de son côté. Même quand elle commence son entrainement à la cruauté, à coup d’araignées, d’escargots, puis y passe le chien du voisin, puis la profde musique paumée, puis le copain fêtard de la mère à la quequette nostalgique (le pauvre, quand même …).

La stratégie d’entrainement de la fillette au meurtre de sa propre mère est plutôt réjouissante, paradoxalement, malgré les quelques longueurs de la vie d’Eva adulte vieillissante, quand même bien plate dans son village à l’écart de l’amour, et ses tentatives de rédemptions auprès de la vieille femme que sa fille n’aime pas et de son compagnon (toujours attentif), et de ses amies, celle qui ne maigrit pas et celle qui chasse son mari silencieux pour ne plus parler autant, et de l’épicier arabe qui était bien gentil et des rêves de l’homme noir qui la hante parfois, la Eva.

Mais finalement, un moment ma lecture a crissé des freins, le meurtre de sa mère ne tenait plus dans le parfum des roses et le goût du thé, le doux écoutement du temps d’une presque mamie à la rédemption quelque peu faiblarde et avec facilités traitée.
Une lecture agréable quand même , mais en demi teinte : cause pour moi, ça manque de tragique qui fasse boum, pas bling.

 

Laisser un commentaire

Un Site WordPress.com.

Retour en haut ↑