Tristesse de la terre, Eric Vuillard

 

Cow boy à la triste figure que ce Buffalo Bill qui construit sa propre légende en même temps que celle de la conquête de l’ouest. Mégalomane , il fonda aussi sa propre ville, de son propre nom, Cody. Elle restera à l’état de fantôme, à l’état de décor réunissant tous les poncifs architecturaux de l’Ouest. Comme son cirque d’ailleurs, construit les stéréotypes , sauf que celui-ci rencontre un succès gigantesque, des dizaines de milliers de personnes, matin et soir, se ruent sous le chapiteau, et ce pendant plusieurs années.

Le spectacle demande sans cesse des nouveautés, de nouvelles têtes d’indiens que l’on vient voir avec des frissons, mais ils sont maintenant en cage, ou presque, alors le public peut s’en donner à cœur joie, les huer et leur cracher dessus. Ce sera le cas pour Sitting Bull, vainqueur de Little Big Horn, qui fut exhibé, seul dans l’arène, sous le mépris de ceux qui ont réécrit son histoire. L’auteur montre comment est inventé le mythe du méchant indien sous les feux de la rampe du cirque, comment le massacre de Wounded Knee devient la bataille de Wounded Knee, puis la victoire de Wounded Knee.

Des indiens morts ce jour là, abattus par un régiment de l’armée américaine, alors qu’on les avait traînés hors de leur dernière réserve, dans le froid et dans la faim, que les derniers grands chefs, Sitting Bull et Big Foot, n’étaient plus que vieux, malades, et vaincus, de ces morts, donc, Buffalo Bill tire encore profit. Il achète les quelques survivants et les met en scène. Ces indiens, sont ainsi contraints de jouer le rôle des agresseurs, sinistre comédie que celle du Wild West Show. Sinistre Buffalo Bill, ombre de lui même à la chute de sa gloire, mais lui, on arrive vraiment pas à le plaindre.

Quelques photos accompagnent le texte, celle où Buffalo Bill sert la main de Sitting Bull est la plus poignante, et le plus digne n’est pas le fanfaron blanc qui bombe le torse, mais bien le vaincu, au regard démesurément vide.

La qualité de ce livre est la vitesse du récit, le destin tragique des indiens est brossé en peu de pages, terriblement efficaces. Le défaut de ce livre est la vitesse du récit. C’est sûrement lié à mon inculture, car j’aurais aimé en savoir plus, notamment sur Zintkala Nuni qui devient Marguerite, puis plus personne, et plus rien. Survivante du massacre, retrouvée dans les bras de sa mère morte, elle fut achetée par Buffalo et revendue à un certain Colby, militaire, trafiquant, il se sert de son statut de père adoptif pour faire de pitoyables affaires. Mais la jeune fille n’est qu’une silhouette dans le récit.

Un autre épisode m’a titillé la curiosité : en pleine tournée européenne, Buffalo Bill laisse en plan son cirque près de Strasbourg, ses faux cow boys et le troupeau de bisons dans un château, à l’orée d’un bois alsacien, tableau à fort potentiel romanesque qui est juste esquissé.

Evidemment, pour combler les trous et les ellipses du récit, il y a toujours moyen de trouver les informations, mais sans la plume vive et acerbe de Vuillard, j’ai bien que tout ne soit que simple tristesse.

 

 

12 commentaires sur “Tristesse de la terre, Eric Vuillard

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    1. Merci pour le compliment ! Les trous à combler sont de mon fait, parce que le livre ne vise pas à tout dire, il est court et efficace, très bien écrit. Juste, il m’a donné envie d’en savoir encore plus, ce qui n’est pas un défaut !

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  1. J’avais aimé l’impression de feuilleter un album photo : on découvre des bribes de destin, des figures parfois en effet fugitives avec l’envie, c’est vrai, d’aller plus loin, mais cela donne aussi au récit une sorte de mystère qui colle bien au propos…

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    1. Voilà ! Tu résumes parfaitement ma pensée, comme souvent ! l’image de l’album photo est très bien trouvé, on feuillette avec plaisir, on apprécie les esquisses. Et on garde notre curiosité intacte ! Et ma frustration ne vient que du plaisir pris à les avoir découvertes.

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    1. J’ai lu « congo », « 14 » et maintenant, celui-ci, je suis convaincue, c’est un auteur qui me convient, j’aime ses sujets et son écriture, un peu à part quand même, un peu baroque parfois, j’espère que tu aimeras le titre qui t’attend !

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