Elise Costa prend fébrilement des notes sur les bancs des salles d’assises, souvent aussi inconfortables que la justice qui y est rendue. Elle est chroniqueuse judiciaire, observatrice attentive des émotions et des décisions, décisions qui parfois laissent place aux doutes, et une affaire, celle de M. Dejean, est de celle qui questionne. 2019, cet homme est est condamné à 20 de réclusion, sans qu’une seule preuve tangible ne soit établie clairement. Les jurys de la cour d’assise n’ont pas douté. A l’énoncé du verdict, l’avocat général vacille, il avait plaidé l’acquittement, le public crie de stupéfaction, l’autrice reste dans la salle qui se vide, persuadée que les jurys vont revenir, que la raison profitera aux doutes. C’est la première des affaires que Elisa Costa évoque dans ce témoignage passionnant sur les coulisses de son métier et celles des faits divers qu’elle a suivis.
On en découvre, ou redécouvre, plusieurs, certains très médiatisés, mais l’angle de l’écriture les rend tous singuliers. Les tableaux que l’autrice restitue, les portraits qu’elle dresse, donne à chaque personnage, les victimes, le plus souvent, une place particulière dans le théâtre de la salle d’audience. Ainsi, résonne le plaidoyer d’Edith, meurtrière de Laurent, son mari, qui la battait et l’enfonçait dans une vie sordide et pleine d’échecs et d’ombres. Elle a fini par le tuer, elle a gardé son corps pendant trois mois dans le grenier, juste au dessus de la chambre de leurs enfants. Pendant trois mois, elle leur répété qu’il allait revenir. Ce qu’elle plaide, pourtant Edith, ce jour de son procès, c’est que l’on n’oublie pas que Laurent n’était pas un monstre, que le désastre de leurs vies était à la mesure de la terreur incommensurable de ne pas savoir aimer, pour n’avoir pas été aimé.
L’autrice illustre, avec ses focus sur les victimes, même coupables, est que la loi est la loi, mais aussi ce que les hommes en font, qu’un président de cour d’assise peut avoir les larmes aux yeux après l’énoncé d’un verdict, qu’une fille parricide peut mourir de son crime. L’affaire Carmen Bois claque dans ce titre » Une fille de 20 ans tue son père d’une balle dans la nuque », titre qui est exact, mais ce n’est pas pour autant qu’il est le plus proche de la vérité. Et c’est cette vérité qui est approchée lors du procès de la jeune fille et que Elise Costa tente de nous faire comprendre. Carmen Blois n’est pas seulement un crime, c’est une histoire.
Ce qui rend le texte aussi sensible, aussi prenant, c’est l’attention qui est porté aux détails, même les plus incongrus, comme le fou rire d’une victime de viol en plein prétoire, et même en dehors de la salle d’assise, la vie qui continue, le hasard qui met en présence la chroniqueuse et le chauffeur du taxi qui pendant le procès de leur mère, conduisait les trois enfants d’Edith et de Laurent à l’école. Ils avaient de bonnes notes, ils étaient gentils, dit-il. Cette petite anecdote, ce pas de côté, serre le coeur, avec pudeur et sans emphase.
L’écriture d’Elise Costa évite toute charge inutile et redondante contre cette inconfortable justice, mise en scène faillible mais pas forcément injuste.
Un titre aussi recommandé par Katel
J’espère ne jamais mettre les pieds dans une cour d’assises, mais lire les histoires de cette autrice est par contre très tentant.
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Elle explique vraiment très justement son rôle, chroniqueuse judiciaire, à la fois témoin et engagée. Elle fait part de l’adrénaline que provoque un procès, notamment lorsqu’il est médiatisé. Je te conseille aussi ses podcasts, sur arteradio. J’ai écouté les trois sur l’affaire Daval, c’est excellent.
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Oh mais c’est pour moi, ça ! Ces éditions Marchialy font des propositions vraiment originales et instructives.. hop, il est commandé à ma librairie !
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Complétement pour toi ! Tu peux avoir une idée du ton général de cette chroniqueuse en écoutant ses podcasts, en attendant que ta commande arrive …
https://www.arteradio.com/emission/fenetre_sur_cour/1235
Je ne connaissais pas cette maison d’édition mais je vais aller jeter un oeil sur leur catalogue, Si il y a d’autres titres de cette qualité, je casse ma tirelire.
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Merci pour le lien, je vais aller écouter ça..
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J’en avais entendu parler en bien mais la façon dont tu exprimes comme chaque jugement est complexe à défaut de quoi la justice est injuste me touche. Merci pour cette belle chronique, Athalie !
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J’espère que la blogo va soutenir ce titre ! Il donne une vision de la justice, vraiment à la dimension humaine, fragile, incertaine … Des gens ordinaires qui ont sombré. C’est très touchant.
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Très joli billet, à la hauteur de ce livre intelligent et sensible. Je suis contente de te l’avoir recommandé ! 😉
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Et moi, je suis ravie d’avoir suivi ton conseil ! C’est le second que je lis sur les 4 que tu présentais et j’espère bien continuer …
Ce titre est effectivement « intelligent », on comprend très bien la corde sensible de la justice.
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j’ai toujours trouvé que j’ai eu de la chance de n’avoir pas été jurée dans ma vie. C’est si compliqué la justice , ce livre me semble très bien écrit et rendre justice à la difficulté de juger
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C’est tout à fait cela, l’autrice met clairement en évidence cette difficulté de juger. Elle met aussi l’accent sur les proches des victimes, la vie bouleversée par l’irréparable.
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Trop judiciaire sans doute pour moi (je deviens difficile).
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L’autrice évite cependant de nous mettre dans la complexité des rouages judiciaires …
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