Lorsque le dernier arbre, Mickaël Christie

imagesEt c’est une première pour moi, j’ai écouté ce livre en audio. J’ai tenté l’expérience, motivée par un voyage de nuit de 10 heures en transport en commun et la note d’Ingannmic sur ce titre. Je n’avais pas assez de temps pour passer en librairie et il était dispo sur un site de téléchargement. Alors je me suis collée les oreillettes et même à l’heure de la sieste, (canicule sur la ville d’Arles …), je me laissée conter cet histoire, pleine de bruit et fureur.

Mais le livre entendu jusqu’au bout, je me suis retrouvée face à mon inconséquence. Comment écrire un article alors que pour retrouver les noms, leur orthographe, je disposais que de leur prononciation et que je n’avais pris aucune note lors de mon écoute, trop attentive à ne pas décrocher des différentes strates de ce roman, construit comme une souche coupée dont vous avez devant vous les centres de pousse, de la plus récente à celle qui contient le secret de toutes les autres ? Puis, arrivé au centre du duramen, vers 1934, on remonte, à nouveau vers 2038. Entre temps, les différents personnages ont scié les branches qui auraient pu les réunir, sur quatre générations dont la dernière, Jacinda est ignorante de l’histoire qui l’a laissée unique représentante  de cette famille qui n’en est pas une. Le lecteur est le seul dépositaire des voies de traverse de deux hommes qui n’étaient que frères de hasard …

Le premier cercle, 2038 donc, met en scène la dernière pousse familiale, qui risque bien de rester stérile. Jacinda, dendrologue, spécialiste de la survie des arbres, est cantonnée sur l’île de la Greenwood compagnie où elle est guide forestière d’un petit morceau de forêt primaire encore préservée. L’île est une sorte de Disney land pour ultra riches qui peuvent s’y offrir un séjour luxueux, choyés dans des bungalows où les employés vaporisent des senteurs de sous bois pour faire authentique. Parce que même ce dernier refuge laisse apparaître des attaques de la pollution qui s’est généralisée suite au « grand dépérissement », provoqué par la sur exploitation des ressources naturelles, et notamment des arbres. Le monde à l’extérieur de l’île, sauf pour les classes de privilégiés qui peuvent encore s’offrir des enclaves préservées, est en proie à la misère, la ruine, à la « craqueuse » maladie de la poussière qui étouffe toute repousse.

Jacinda n’a pas d’histoire, mais un nom de famille, le même que celui de la compagnie « Greenwood » et elle pense que ce n’est qu’un hasard, jusqu’à ce que son ex-petit ami, avocat à la recherche d’un coup juteux, lui dévoile qu’elle pourrait bien être la descendante des anciens propriétaires, et qu’un certain journal intime, écrit d’une main maternelle, pourrait bien être sa planche de salut. Et c’est ainsi qu’on remonte les cercles, depuis l’histoire d’une jeune fille qui ne voulait plus qu’on lui vole son enfant, d’un bébé abandonné au clou d’un érable, d’un vagabond du rail lors de la grande dépression, reconverti en exploitant illégal du jus des arbres, jusqu’au centre, celui du secret de deux frères, Harris Greenwood et Everett Greenwood, dans les années trente, enfants trouvés et qui se sont élevés dans la colère, la violence, et qu’une cabane en bois aurait pu souder.

Harris est devenu aveugle très jeune, ce qui ne l’a pas empêcher de devenir un magnat du bois et d’élever une fortune solitaire … en détruisant autant d’arbres qu’il le pouvait, sans état d’âme. Tourmenté, colérique, sa fille Temple, ne l’a connu qu’hermétique à toute affection, reclus dans un domaine mirifique au fond d’un salon où il écoutait des poèmes incompréhensibles, gravés sur des microsillons. Elle aussi est pleine de colère et de rage, contre son père. Elle se fait militante écologique radicale, vit avec son fils Liam dans un westfalia rudimentaire, même si la déchirure du fauteuil conducteur laisse deviner un flacon du numéro cinq … Liam,  lui aussi, se construira contre, il se fera menuisier, un menuisier capable de reproduire un stradivarius pour celle qu’il aime, et de le détruire …

A chaque personnage son cercle, à chaque étape son lien avec le cercle suivant, le journal intime, les disques, les outils de menuisier, le bois de récupération en provenance d’une ferme qui aura été un moment, un possible lieu d’apaisement où les vagabonds des trains trouvaient table ouverte. Mais ces temps sont révolus, et les arbres ne peuvent plus être sauvés, si il y a eu des moments où une réconciliation aurait été possible, ces temps sont trop noués pour être dénoués, Everett et Harris, Caïn et Abel, ont payé le prix du péché originel, celui de ne jamais avoir été aimé, d’avoir fui. 130 ans d’aveuglement, d’errances, d’erreurs sont leur héritage pour une famille disloquée, comme l’aveuglement de la course aux profits est celui de la terre qui ne peut plus respirer, ne peut plus être soignée.

Si le cercle 2038 qui ouvre et ferme le roman, n’est pas le plus palpitant, sans doute parce que le personnage est le plus lisse de l’épopée, les autres ont une réelle force narrative, anti héros, égoïstes, malfaisants ou trop perdus en eux mêmes pour ouvrir les yeux sur les trouées de la canopée.

En tout cas, je suis fort contente d’avoir planté des arbres dans mon jardin et de les regarder pousser, ça fait pas une forêt, mais ils se portent bien.

Et une sans doute dernière participation aux pavés de l’été ! Et aussi une dernière aussi pour les épais

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19 commentaires sur “Lorsque le dernier arbre, Mickaël Christie

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    1. Moi aussi, je l’ai vraiment aimé ce livre, il y a beaucoup de force dans les personnages, même dans celui du méchant Lomax et sa dérive (je n’ai pas réussi à le caser dans ma note) … Après, en audio, ce n’est pas si difficile que cela de suivre, les différentes parties sont bien signalées.

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    1. Un excellent roman ! Je suis contente d’être partie à l’aventure avec lui … En plus, je trouve que la description des arbres, même l’énoncé de leurs noms, parfois dans de longues énumérations, a quelque chose de magique …
      Oui, j’étais à Arles, du 20 au 26 aout, je me suis régalée également d’expos avec des découvertes ( Sophia Kulik) et des retrouvailles : Varda, Arbus, Leiter … Quelle belle occasion de les voir en vrai !

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    1. Il n’est pas resté très longtemps sur ma liste au fois lu la note d’Ingannmic, mais du coup, il a pris la place d’autres titres dont L’arbre monde, que j’avais emporté dans ma valise malgré tout ( et qui y est resté …). Je finirai par y arriver !

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    1. Et oui Krol, que l’on ne voit plus beaucoup sur les blogs, c’est bien dommage ! Pour cette lecture, je crois que l’on ne peut qu’ être qu’embarqué dans les cercles d’histoires, c’est presque comme un conte ( un conte plutôt long, soit …)

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  1. Pour un autre livre, j’ai connu les difficultés que tu décris pour les noms des personnages. J’avais dû écumer les avis des lecteurs de Babelio, Amazon, Fnac etc. jusqu’à ce que j’aie retrouvé toutes les orthographes de noms… Depuis, je me limite aux romans courts ou français (Jules Vallès, Romain Rolland, Zola etc.)

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    1. C’est ce que j’ai fait aussi mais je ne voulais pas trop lire les avis, en même temps. Ce n’est pas trop pratique ! Depuis, je me suis lancée dans une autre audio lecture, Le silence de Lehane, mais j’y trouve moins de plaisir alors que le roman est très bien. Je me suis sans doute déjà lassée de la nouveauté de ce mode de lecture !

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  2. Mazette, 10 h de transport… Je n’ai pas encore essayé le livre audio (et cela ne me tente pas du tout d’ailleurs !) et je n’avais pas pensé au point que tu soulèves, sur la difficulté à rédiger ton billet… un argument supplémentaire pour me dissuader ! Ravie que tu aies été toi aussi emballée par cette lecture (mais j’attendais plutôt un billet sur L’arbre-monde ?).

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    1. Et oui 10.00 … C’est la punition d’habiter au nord de la France et de vouloir voyager le plus « éco responsable » possible ! Mais en trajet de nuit, ça se fait tranquille.
      J’ai effectivement beaucoup aimé voyager avec ce roman ( il m’en restait même un bon bout pour le retour), mais je ne suis pas certaine d’aimer ce mode de lecture en sédentaire. Je retente l’expérience avec un autre titre, mais de mon canapé, ça fonctionne beaucoup moins bien.
      Et l’arbre monde était bien au programme, mais voilà, il s’est fait coiffer au poteau par mon envie de tenter l’audio. Mais je ne l’ai pas oublié, j’y arriverai.

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  3. 10h de transport, je me serais sûrement endormie, perdant tout repère dans le livre.^^ Pas lu ce livre encore, mais si je devais me lancer, ce serait très certainement en livre papier ou ebook. Ça semble requérir tout de même pas mal d’attention, et l’audio n’est pas l’idéal pour cela, je trouve.

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    1. Ho mais je me suis endormie … mais j’avais arrêté l’écoute avant ! En tout cas, quelque soit le mode de lecture, c’est un très bon roman, bien romanesque, avec de beaux personnages et une écriture qui convoque un bel imaginaire !

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  4. Bonjour Athalie
    Avec 672 pages en version « papier », ce titre est aussi éligible au challenge des « Epais de l’été » (il suffit de rajouter logo et lien et de m’en prévenir): Ingannmic l’y avait déjà inscrit, et je l’ai déjà dans le collimateur pour une future lecture de ma part (mais ce sera bien en « papier »… même si j’ai déjà eu des réflexions dans mon AMAP parce que mes annotations marginales risquent de perturber la lecture!).
    (s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola

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    1. Oubli réparé ! Et oui, j’ai beaucoup copié Ingannmic cet été ! Et je ne prends jamais de notes, format papier non plus. Dès fois, j’essaye, mais je ne sais jamais où j’ai fichu mon crayon …

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