Evreux, Denis Dercourt

Gargouille_cathédrale_d'ÉvreuxLe théâtre de l’action est la ville d’Evreux donc, bien maltraitée dans ce roman dont le personnage principal est un sacré salaud, un vrai méchant ordinaire, vicieux et sans état d’âme. Ce qui l’a fabriqué comme cela, on n’en saura rien, et c’est ma foi un peu dommage … Le fait qu’il soit né le jour du bombardement de la ville  par les armées alliées n’est pas une cause possible, peut-être un peu plus qu’il soit le fils d’une adolescente manipulée par un collaborateur, un homme qui a disparu avec la retraite de l’armée allemande … Très tôt, Léon commence sa carrière par le chantage en faisant ressurgir le passé trouble de ceux dont il veut la perte à son profit, avec l’approbation quasi muette de sa mère. Celle-ci, devenue fleuriste, est une petite bonne femme qui fait froid dans le dos. Dans un dialogue fusionnel avec son fils, elle approuve toutes les saloperies d’un regard en coin ou d’un commentaire sec.

D’ailleurs, dans ce roman tout est sec, genre coups de trique : les dialogues factuels, comme le récit des crimes de Léon, les sévices sexuels répugnants qu’il impose à une de ses ex-compagnes, son attirance perverse pour les très jeunes filles, et les lieux de « plaisirs » qu’il contrôle dans la ville. ça fait une drôle d’ambiance à Evreux et un truc certain est que le syndical d’initiative de cette ville ne risque pas de mettre ce titre en devanture …

A vrai dire, la ville en elle même n’y est pour rien, elle se trouve être juste le terrain de chasse de Léon, qui en façade est horticulteur, et qui a, malgré toute sa noirceur, un certain goût pour les fleurs, mais surtout toutes les qualités d’un rabatteur pour ses besognes louches. Il a effectivement besoin de secondes mains pour faire tourner son hôtel de passe, son club échangiste et vider les migrants de ses propriétés. Ce sont ces personnages que l’on suit, ceux qui mettent en œuvre les entreprises de Léon, comme Charles, qui en subissent les conséquences, comme Frédéric, un de ses enfants, non reconnu par son père, comme les trois autres, Sophie et les deux jumeaux. 75 ans sont ainsi balayés, de la faute originelle à la vengeance, puis à la tragédie du hasard qui rattrape ce vrai méchant de Léon. Ce qui serait justice si le mal n’avait déjà été fait.

Je ne sais pas si c’est parce que l’auteur est réalisateur et et scénariste qu’il a autant joué sur l’absence de raccords mais, en ce qui me concerne, les liens disparates et parfois distendus entre les différents personnages m’ont demandé un effort intellectuel que j’ai eu parfois la flemme de fournir, tant pis, j’ai raccroché les principaux et j’ai laissé filer les autres…. L’effet kaléidoscope et boule à facettes se double d’une écriture très factuelle et sans accroche psychologique, c’est à la fois bien fichu, avec des moments de silence narratif qui mettent en valeur des scènes fortes,  et …  frustrant. D’Evreux, on aurait pu attendre plutôt une atmosphère à la Chabrol …

pages pavés

9 commentaires sur “Evreux, Denis Dercourt

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  1. En voilà un roman sympathique ! La pauvre ville d’Evreux n’en méritait pas tant. Déjà qu’elle a un attrait touristique un peu limité .. mais au moins tu m’as fait rire.

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    1. J’ai séjourné à Evreux, il y a quelques années mais finalement j’avais passé les deux jours de cette étape à sillonner les environs normands … Charmants par ailleurs … Mais ici, la ville n’est que noirceurs, rancoeurs, petites ruelles qui cachent les crimes du Léon …

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