Norilsk, Caryl Ferey

13900L’auteur de polars qui déteste le froid, s’est cependant laissé convaincre par deux jeunes éditrices de partir pour une dizaine de jours vers le grand nord, à 300 kilomètres du cercle polaire. Norilsk, la ville la plus polluée de la planète, avec des températures dont les moins sont tellement en dessous de zéro que cela ne veut plus rien dire, une version sibérienne de Blade Runner. Faisant fi de ses préjugés sur les soviétiques, racistes, xénophobes, homophobes, mal aimables, buveurs de vodka, une bande de brutes qui aiment poser torse nu avec une kalachnikov, à l’instar de Poutine, et préfèrent tabasser leur femme plutôt que porter secours aux Pussy Riots, il accepte le voyage, à condition d’être accompagné de son acolyte dit « la bête ». Il envisage ce voyage « rock », « punk » comme un trip de mauvais acide, alors que la bête semble atteint d’un fantasme de la belle russe en papier glacier, une sorte de play boy girl avec chapka. Le type d’attitude « cool » selon lui, très agaçante en ce qui me concerne. Mon immersion livresque avec ces deux là a donc commencé sous les plus mauvais auspices et s’est poursuivi de même. Heureusement, elle fut courte, comme son séjour, et comme ses observations …

En gros, on n’y apprend pas plus sur la ville et son histoire que dans un documentaire modeste, qu’il faut une autorisation du FSD pour pénétrer dans cette ville et vérifier si les soviétiques sont bien des ours qui collent des baffes à leurs femmes et à leur gosses, en ne jurant que par Poutine, ou bien si l’âme slave pleure encore des larmes nostalgiques à la manière de Kessel, que l’auteur admirait dans son adolescence, si le fleuve rouge d’acides ne gèle pas ( on apprendra que c’est un peu exagéré quand même …), si les habitants sont bien promis à une mort précoce, rongés par les vapeurs ou détruits par le travail dans les mines ( on apprendra que oui). Par contre, ce ne sont pas tous des ours (ouf !), les hommes et les femmes que l’auteur et la bête vont rencontrer sont des êtres sensibles, voire artistes. Par contre, ils boivent beaucoup, (mais pas que de la vodka, un stéréotype de moins que concède l’auteur, magnanime). L’auteur tire ses conclusions humanistes de leur fréquentation dans un bar « typique », le « zaboy », ouvert jusqu’à l’aube lors de trois soirées, dont celle des adieux. Lors des précédentes, les deux occidentaux, fortement alcoolisés, avaient  fait connaissance avec des vrais  ( à souligner dans le texte) mineurs, des femmes séduisantes, vieillies avant l’âge, mais que la bête, alter égo du loup de Tex Avery n’avait pas réussi à mettre dans son lit (il a même dû se résoudre à peloter un « trav », c’est à quel point il a dû faire fi de son fantasme de belle espionne venue du froid, le pauvre …). Les vrais gens ne parlent pas anglais, les deux voyageurs communiquent donc à coup de « da, da », et quelques traductions de leur jeune guide, Valentina, native de Norilsk qui vit à Saint Peterbourg et qui les accompagne dans leurs découvertes, qu’ils initient au vin rouge, et qu’ils surnomment Bambi, à cause de sa candeur et de son pull, orné d’un rennes souriant … Surnom décliné en bambinettes pour les serveuses de restaurant … Si on connait le nombre exact de gueules de bois et de bouteilles vidées pour parvenir à un état éthylique décent, les paysages dévastés de la ville sont des esquisses affligeantes d’une condition humaine réduite à la survie, dans l’obscurité, la neige noircie de pollution, les immeubles qui s’écroulent sur leur tête, amas de laissés pour compte par l’état soviétique …

Norislk est un décor à une équipée de deux occidentaux qui se veulent « rocks et sauvages », moi, j’ai pensé à deux tintins au pays des maudits de la terre.  La posture d’observateur est compatissante, égocentrique ( sans compter le virilisme pas assumé ), les habitants sont des figures fantômes. Il faut espérer que Led, le polar que Caryl Ferey a écrit ensuite, à partir de son séjour du cette ville, est de meilleure facture, mais ce sera sans moi.

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23 commentaires sur “Norilsk, Caryl Ferey

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    1. Le récit a été publié en 2017, et le séjour à Norilsk devait être tout récent, d’après ce que l’on comprend … Comme si il l’avait écrit juste au retour. Et je ne pense pas donner une deuxième chance à l’auteur, son positionnement dans ce récit m’a vraiment trop gênée. ( et son style n’a rien de particulièrement prenant non plus)

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    1. Deux gros cons, c’est vraiment ce que j’ai pensé de l’auteur et de son acolyte ! L’auteur se permet des jugements de valeur péremptoires, faussement apitoyés … On dirait qu’ils visitent un zoo.
      J’ai vu dans la bio de l’auteur qu’il a travaillé avec Bertrand Cantat, à la sortie de prison de celui-ci, ce qui a contribué à mon désintérêt pour tout ce qu’il a pu écrire.

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    1. Je m’arrête là pour cet auteur, en ce qui me concerne ! Même si je sais bien qu’il ne faut pas confondre l’homme et l’oeuvre, il y a des limites à l’égocentrisme et à l’outrecuidance et là, elles sont clairement dépassées pour moi.

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    1. J’étais très curieuse de découvrir cette ville sibérienne à l’histoire si terrible et à la situation écologique qui fait frémir … Mais elle et ses habitants sont réduits à portions congrus, c’en est honteux. Je ne sais pas qui sont les deux éditrices qui ont missionné l’auteur pour cette « expédition » mais je ne pense pas que le but soit atteint.

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  1. Pour ma part j’ai beaucoup aimé la magnifique écriture de l’auteur et la formidable dénonciation du régime russe av ec sa corruption à tous les niveaux, son indifférence aux vies humaines, les conditions de vie épouvantables, le mépris de la nature. Un régime comme un rouleau compresseur où seuls quelques natifs qui voyagent avec leurs troupeaux préservent une dignité ancestrale.

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    1. Tu auras compris que je suis passée à côté de toutes les qualités que tu as trouvé en ce titre … ^-^Je ne me souviens même pas que l’auteur évoque les nomades qui survivent en ces lieux … On se demande comment, d’ailleurs vu les images des alentours de la ville, cramés de pollution !

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  2. Je n’ai lu qu’un roman de cet auteur, un polar que j’ai trouvé complaisant (scènes de violence inutilement sordides) et maintenant, pour chacune de ses parutions, c’est « sans moi ! ».

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  3. Cet auteur me laisse perplexe.. J’ai bien aimé lire, il y a quelques années, Haka, Utu, Zulu… des polars avec un fort contexte social autour des minorités ethniques notamment. Et puis j’ai arrêté après Mapuche, fatiguée par sa tendance à verser dans une violence souvent gratuite. J’ai ensuite au l’occasion de l’écouter sur un salon, sur une table ronde avec Colin Niel et Henri Lovenbruck. C’était le début d’après-midi, ils avaient visiblement bien arrosé leur déjeuner, et j’avais trouvé Crayl Férey très limite, presque vulgaire, et en tous cas pas très respectueux du public et de l’animateur de la rencontre.. (Colin Niel et Henri Lovenbruck avaient quant à eux l’air très gênés…).
    Je l’ai vu dans une émission récente de La Grande Librairie, où il présentait Okavongo, où il donne l’impression d’avoir voulu déverser sa haine des braconniers plutôt que de faire de la littérature? Même si je déteste moi aussi les braconniers, il ne m’a pas donné envie de le lire..

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    1. Et bien, ton anecdote ne peut que confirmer ce que l’on pressent du personnage à la lecture de ce court récit de voyage, un irrespect enrobé dans une attitude qui se veut politique et humaniste, une espèce de positionnement colonialiste, qui manque de l’empathie qu’il claironne. Par exemple, l’amitié qu’il dit avoir pour les mineurs rencontrés au bar, paraît être bien hypocrite …

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  4. Toujours pas lu cet auteur même si c’était en prévision à une époque, mais à te lire et à lire les commentaires qui suivent, je pense que je vais oublier ce projet…

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    1. J’avais vaguement aussi le projet de poursuivre avec le polar qu’il a tiré de cette « expédition », je me disais que pour le challenge, le dyptique fiction/non fiction pourrait être intéressant. Je vais clairement passer à d’autres idées !

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  5. Déjà le côté viriliste que tu décrit et des personnages bourrés comme c’est pas permis, ça risquerait de beaucoup m’énerver. Je n’ai rien lu de lui, toujours retenue par la violence dont j’entendais parler. Je l’ai vu récemment à la Grande Librairie, je ne l’ai pas trouvé très clair et avec un débit verbal fatigant. Bref, je n’ai pas envie de le lire.

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    1. Comme je le disais plus haut, bien sûr l’homme n’est l’auteur, faut pas confondre, disait Proust. Mais même si Proust a raison, cette unique expérience me suffira. Lire des récits de cuites virilistes et avinés, ce n’est pas ma tasse de thé !

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