Sylvain Tesson tente la lenteur, et même l’immobilisme, ce n’est pas la posture qui lui convient le mieux. Le funambule, à l’affut au Tibet n’est pas des plus à l’aise, entre réflexions politiques sur les dégâts de l’emprise chinoise, la disparition des espèces animales, la tentation du Tao, l’opium de la Baghavad-gita le console encore de la disparition du sauvage.
Non pas aigri, mais on le sent dubitatif, Sylvain Tesson raconte son épopée vers le silence feutré de la panthère des neiges. Il est en compagnie d’un photographe animalier, Vincent Munier, sa compagne, Marie, et Léo. Comme Vincent Munier parle peu, c’est souvent Léo qui se fait l’oreille du bavard écrivain.
Le périple commence avec les yaks, 10 jours à 4200 mètres d’altitude par – 25 degrés pour traquer à l’objectif les silhouettes des drungs, « vaisseaux de la préhistoire » massacrés, dont il reste quelques spécimens qui s’accrochent aux flancs désertiques de la montagne. Tesson se dilue dans l’attente, disserte dans les glacis grandioses de la médiocrité des hommes, de la fédération des chasseurs français… Il se ressource dans l’Antique et le Livre des morts Tibétain. Il convoque Bosch, Séraphine et Héraclite dans ce foutraque érudit qui m’enchante à chaque fois. Sylvain Tesson me fait rire, et réfléchir, comme lui, je commence à attendre la panthère, tout en me demandant quelle divinité tutélaire va alors être convoquée.
En attendant la déesse, Tesson hésite, Milady de Dumas, la Mélusine des contes, mais vire les préaphaélites d’un coup de plume acerbe, eux qui ont fait de la panthère « une descente de lit pour échouage des rêves ». Il raille les motifs léopard réduction ridicule de la beauté sauvage que l’homme a taillé en maillot de bain. Il y oppose les cornes des chèvres bleues et le regard glaçant des chats de Pallas, peluches féroces des montagnes.
Puis apparaît « l’apparition », la panthère et son mystère ultime, son indifférence, sa grâce, c’est l’état pur, celui qu’ils étaient venu chercher et qui comble l’écrivain, le réconcilie avec son regard, encore un peu myope dit-il, sur son passé et la lenteur.
Même si le texte laisse parfois un peu de rythme en route, d’allant, de vivacité, les circonvolutions de Tesson sont autant de touches alarmistes : des « princes de la terre », l’homme a fait des « errants », « traqués, réduits à se cacher », au point que « apercevoir l’un d’eux, c’était contempler un très bel ordre disparu, le pacte antique des bêtes et des hommes, les uns vaquant à leur survie, les autres composant leurs poèmes et inventant des dieux ». Le tableau d’un âge d’or est revisité par la mélancolie ironique d’aphorismes dont on aimerait qu’ils sonnent faux. Un dernier …. « La terre avait été un musée sublime. Par malheur, l’homme n’était pas conservateur ».
Les temps verbaux font froid dans le dos.
Je compte le lire – au chaud, avec ma panthère perso pas loin (chatte caractérielle de 17 ans d’âge)
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Les panthères personnelles ça demande moins de temps d’affût. C’est l’avantage ^-^. Bonne lecture au chaud, il y a de quoi passer un bon moment, même si c’est un peu décousu, c’est Tesson, quoi !
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j’aime beaucoup ta conclusion hélas!
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C’est hélas celle de Tesson … Et pourtant, ce n’est pas un livre qui fiche le bourdon, il y a plein de beauté dedans. je n’aurais jamais cru voir un yack comme un parangon de la beauté préhistorique, ma foi. Il est fort le Tesson.
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Oh oui, ce temps employé est glaçant !
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C’est le souci avec les aphorismes, ça vous résume la réalité en une phrase et un temps verbal, du coup, oui, ça glace direct.
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Il mérite son prix, malgré ton bémol.
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Les récits de Tesson , je les trouve toujours foutraques, mais je m’en fiche, en fait, je me régale quand même … coté littéraire, parce que côté écologie, on rigole beaucoup, beaucoup, beaucoup moins ….
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Je préfère ne pas me lancer, je crois qu’il m’agacerait beaucoup ce bouquin.
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Sylvain Tesson agace pas mal, c’est certain son côté « je disserte à tous vents » peut être pris pour une forme d »amateurisme. Jette quand même un oeil sur un autre titre « Bérézina », il pourrait peut-être te plaire, celui-là … .
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Je lis dans ton commentaire que tu n’as pas trouvé la panthère, je suppose que c’est la photo page 123? Bon elle est à gaude, dans le biais, on voit une partie de sa tête, les yeux et les oreilles…
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Merci, je l’ai enfin ! J’avais pourtant scruter la photo pendant un certain temps ! C’est loin d’être la meilleure de Munier, mais comme tu le dis dans ta note, la facilité avec laquelle les enfants tibétains la trouve est confondante, surtout par rapport à nous qui ne voyons rien, parce que j’étais soulagée de voir dans les commentaires que je n’étais pas la seule aveugle ! …
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