Au loin, Hernan Diaz

Un anti héros, un anti western, un itinéraire à l’envers, tout en pertes et en exils, et au final, dans un far west revisité par Les fleurs du mal, plus de spleen que d’idéal dans ce superbe roman.

Quand Hakan quitte la Suède, pour le premier de ses exils, il commence par perdre son frère Linus, juste avant d’embarquer sur la navire en partance pour l’Amérique. Il ne sait rien, ni son âge, ni un mot d’anglais, et ne sait pas bien prononcer le nom de la ville, New York, où ils devaient débarquer. Il n’a jamais vu d’atlas et le seul livre qu’il a côtoyé est la Bible. Durant la traversée, cependant, il fait connaissance avec une famille, et comme il n’a pas un sous en poche ( c’est Linus qui avait leur pécule, et un peu plus de connaissances aussi), c’est avec eux qu’il débarque, non à New York, mais à San Francisco. Alors débute sa quête à l’envers de l’ouest vers l’est, à rebours des chercheurs d’or et des pionniers de la grande piste.

Hakan, c’est un Ulysse aussi, mais sans la ruse et la protection des dieux. La fièvre de l’or rend les gens fous, la famille qui l’avait recueillie se délite dans cette folie. Hakan tombe alors dans les mains d’une Calypso, déguisée en tenancière de bordel édentée, le corps submergé de dentelles aux effluves pourrissantes. Hakan d’étapes en étapes erre dans un far west sinistre, poussiéreux, plein des bruits et des fureurs des convois de chars bâchés, ….

D’autres rencontres, moins hostiles, le nourrissent d’un savoir pratique, Hakan apprend de Lortimer, un savant naturaliste qui égare sa raison à la recherche du premier organisme vivant, ou d’un vieux indien à la magie scientifique. le savoir fragmentaire, confus  et mystique l’éloigne de la Bible, et des hommes. Entraîne dans un sillage de sang et de remords, qui hante ses rêves, Hakan devient un vagabond solitaire qui survit à sa légende car il est devenu légende, et le long des pistes, ce double le poursuit.

L’épopée de Hakan, devenue Hawk est hallucinée et fascinante. Elle est comme hantée des faces sombres des mythes fondateurs, le fantastique affleure parfois dans un western crépusculaire, le souffle reste ardent, tandis que de rencontres en rencontres, d’aventures en aventures, Hakan finit par se choisir lui même une voie.

20 commentaires sur “Au loin, Hernan Diaz

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  1. Je crois qu’en période de confinement je n’ai envie de lire que des histoires de gens heureux de voyager. Non mais ! il se rend compte de la chance qu’ils ont ?

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  2. Beaucoup aimé aussi. L’auteur a reçu le prix du festival America, punaise, j’espère que l’édition 2020 aura lieu déjà qu’il n’y a pas d’Etonnants Voyageurs…

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    1. Je ne savais pas pour le prix América, et bien, il est amplement mérité ! J’ai vu pour l’annulation d’Etonnants Voyageurs, c’est frustrant, inévitable, mais frustrant …
      Du coup, ça va peut-être me botter les fesses pour aller au festival América, j’en fais le projet tous les deux ans, sans jamais concrétiser !

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    1. Merci pour le compliment, contente de contribuer au partage de ce très beau texte, qui a surgi de nul part, en ce qui me concerne. J’ai hâte de pouvoir le partager en vrai, d’en parler et de le prêter à tour de bras.

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    1. Merci pour le compliment ! Le texte est âpre, c’est certain, la solitude est peuplée de personnages secondaires, tous plus fascinants les uns que les autres, on ne peut tous les citer, ni trop développer les différentes étapes de l’odyssée dans une note. Mais ils contribuent pour beaucoup à l’étonnante construction de l’odyssée solitaire.

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  3. Tu es enthousiaste toi aussi. Il faudrait vraiment que je découvre ce livre qui a séduit tant de lectrices. Je l’ai aperçu plusieurs fois dans ma bibli en plus mais bon, trop tard pour l’emprunter pour l’instant…

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    1. En fait, je ne savais pas qu’il était aussi connu ce texte ! je croyais avoir mis la main sur une pépite oubliée . Bon, ben, pas du tout ! Moi, je me dis que si en ce moment, je suis en train de piocher dans ma PAL, vu toutes les futures lectures que je note, je vais à nouveau la faire exploser en sortant ! Et évidemment, j’ai hâte ….

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  4. Les commentaires que j’ai lu à son sujet m’intriguent, même si le côté un peu western me retient… peut-être puor après ce confinement… j’ai besoin de plus de clarté… quoique bon… mes lectures sont weird un peu!

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    1. En fait, c’est un peu un anti western, même si tu en as les ingrédients mais sans galop effréné ni course poursuite d’indiens, les paysages sont plutôt de l’ordre du désert taraudé de peurs et de soleil … Bref à lire absolument !
      J’ ai encore pas mal de titres en stock à la maison, mais je me rends compte que je n’en ai pas beaucoup de légères …. si j’ai bien compris le sens de « weird » ?

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    1. J’ai vu que tu postais à nouveau sur tes lectures. J’ai eu aussi du mal à lire au début du confinement, mais là ça va mieux. Ce titre emporte tellement loin de notre univers que si j’osais, je dirais même qu’il est idéal pour la période ( oui, je sais, c’est de mauvais goût …)

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