Les simples, Yannick Grannec

Avec ce roman, on plonge en immersion dans un Moyen Age bien vicieux, où le diable est convoqué pour satisfaire des ambitions personnelles. Quand les hommes manipulent le maléfique, ils sont bien plus efficaces que le malin.

L’évêque de Solines, en charge du territoire de Vance, a décidé de mettre la main sur l’abbaye de Notre Dame du Loup et de s’emparer de ses richesses, mais il s’agit aussi pour lui d’assoir ainsi son pouvoir sur l’ensemble de la communauté religieuse. L’abbaye jouit en effet d’un statut d’exception. Grace à une fistule royale mal placée, guérie en son enceinte, les moniales et leur abbesse gardent le contrôle de leurs terres et de leurs productions. Elles gèrent aussi un hôpital, dédié aux nécessiteux où officie la doyenne, sœur Clémence. Par ce personnage, on entre dans le monde des simples dans les deux sens du termes : les plantes aux vertus médicinales, dont soeur Clémence connait les pouvoirs sur le bout de ses ongles noirs, et la simplicité de la générosité et de la tolérance, autre spécialité de la vieille moniale. Car, si elle folaille un peu de la tête, son savoir faire vient d’une observation et curiosité sans à priori, et la sage femme du village, son alter égo laïque, n’en est pas moins sa complice, aide et guide. Sauf que la Malehanche, elle, a des amants et  une réputation sulfureuse à tenir.

L’abbaye est dirigée, non sans mal, par l’abbesse aux tendances mystiques, Mère Marie Vérane, qui a fort à faire pour défendre la sérénité de la communauté avec les chicaneries, les mesquineries, les intrigues de couloir des soeurs intendantes et chancelières et la versatilité des Marthe ( les sœurs converses) et des Marie (les sœurs contemplatives). L’évêque introduit le loup dans la clôture sous la forme d’un jeune vicaire, Léon de la Sine, contraint au célibat et au service de l’évêque par la volonté de sa tigresse de mère, Renée. ( Tigresse opulente qui fait par ailleurs le bonheur de la sensualité de l’évêque, amateur de sa chair autant que de ses coups de gueule).

Les plans de l’évêque, en utilisant un pion de trop, la douce Gabrielle, vont déclencher une volée de dominos, que plus personne ne maitrise, de croyances en manipulations, de désirs pervers en visions obtuses et malsaines, le lieu clôt fermente dans le vinaigre. La paix initiale, qui tenait en un fragile équilibre, laisse échapper les langues vipérines.

Dans ce roman, bien calibré, le sujet est d’abord le goût du pouvoir, mais aussi la force radicale de la croyance, quand elle est bien manipulée. Mis à part la figure christique de sœur Clémence, les âmes ici sont bien noircies par l’appétence terrestre.

20 commentaires sur “Les simples, Yannick Grannec

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    1. Je l’ai appréciée c’est certain, ce n’est pas un grand grand roman, mais il se lit très agréablement, sans longueurs et avec intérêt. Il faut dire que je suis aussi un peu une fondue des abbayes du Moyen Age, de la Renaissance, bref des abbayes … Et que le monde des simples me fascine, même si finalement, il en est assez peu question ici.

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  1. Je pensais avoir déjà lu un billet chez toi à son sujet, mais non, tu m’en avais juste parlé dans un commentaire je crois, en me le conseillant aux dépens d’un autre titre qui t’avait moins emballée (mais je ne sais plus lequel). Bon sang, quel commentaire décousu… bref, je l’avais déjà noté, du coup, et j’ai vu qu’il était sorti en poche..

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    1. Je crois m’en souvenir aussi, mais je ne sais plus quel livre je commentais chez toi. Il faut dire que j’en note pas mal….
      Ou c’est peut-être à propos de Bénie soit Sixtine ? Dans ce cas, l’autre titre dont je parlais est
      https://aleslire.wordpress.com/2019/11/17/la-theorie-des-signatures-joseph-soletier/
      un très beau titre sur le mysticisme de la nature et l’horreur de l’extrémisme religieux catholique. Un titre qui a eu peu de succès et peu d’échos, alors je me sens bien seule à le défendre, alors que l’écriture en est étonnante et sublime.

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      1. Mais ma chère Athalie, suite à ton billet sur le Soletier, figure-toi que je me suis empressée d’en faire l’acquisition ! Depuis, il attend son heure sur mes étagères…

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    1. Je le voyais aussi moins politique, mais en fait, moi, j’y ai vu cette trame et je trouve que du coup, on dépasse le roman historique. Mais tranquillou, quand même, très « ma zone de confort à moi » …

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    1. Quoi ! Alors que je pleurais toutes les larmes de mon corps à l’idée de ne plus jamais revoir Call, il chevauchait encore contre les gros méchants  » de l’autre côté du Pécos » …. Bon, Gus me manquera à jamais quand même, mais là, il n’y plus rien à faire pour lui. Par contre, je viens de vérifier que ma librairie préférée est bien ouverte demain. Je sais que c’est pêcher d’acheter le dimanche, mais là, c’est une trop belle cause de se vautrer dans la consommation de livres.
      Merci !!!!!!!!!!

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    1. Je crois que le premier roman de l’auteure a été davantage chroniqué, c’était La déesse des petites victoires, dont le sujet ne me disait rien, mais là oui, et puis, il m’a été conseillé par une amie qui a le goût des romans romanesques de bonne facture.

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