Siréna Séléna, Mayra Santos-Febres

Bienvenu dans le monde des shows en play back, des paillettes, du glamour, des folles, des gays, des drag-queens flamboyantes des bouges de Porto Rico, où se mettent en scène  les corps refaits,  marqués par la misère des bas fonds. Les fards sont épais, masquant les poils honnis qui sans pitié les renvoient au genre qui qui n’est pas le leur. Les rouges sont pulpeux, les pommettes remontées, les sexes bandés de sparadrap et de gaines, car la robe doit glisser, fluide, sous les sun lights.

Dans ce roman, on croise des divas cabossées, Valentina, sur le trottoir, Luisito Christal, rock star décadente chaussant des bottes à effet miroir. Lumineuses et excessives, elles combattent  leurs sexes, se sentent serpillières, maltraitées, humiliées, dans la peur des coups, des insultes, d’un client violent, d’une dose de drogue de trop.

Elles sont les modèles de Siréna Séléna, un adolescent solaire et abrasif, un corps androgyne qui déchaine le désir et une voix qui incande les boléros, appris de sa grand mère, femme de ménage dans les maisons chics. Siréna Séléna veut se transformer, et de giton, devenir une folle luxueuse … Et Martha Divine, propriétaire d’un dancing transformiste, clinquant et crasseux, l’a repérée et compte bien en faire une star pour hôtels de luxe et de luxure à Saint Domingue. Toutes les deux  s’envolent vers un contrat possible, comptant sur le talent magique de la jeune voix qui bouleverse les âmes d’accents nostalgiques et sensuels, pour s’offrir un peu de rêve et beaucoup d’argent.

Une série de retour arrière retrace en quelques scènes le monde d’où vient Siréna Séléna, alors qu’elle était encore Léocario, jeune garçon inverti sans le savoir, ses rencontres, le monde du tapin, celui des des serveurs, qui dans les hôtels pour touristes, dansent avec les clients et se laissent consommer comme des friandises pour une gourmette en or et quelques billets qui leur permettent d’être des hommes, en dehors de leur service.

Sordide commerce, rêves de pacotilles et de fanfreluches, corps souillés, sexualité sans âme, et pourtant, le roman baigne dans l’énergie et la lumière. Les personnages ont une force bouleversante, voix rauques et écaillées, voix de tapins et de violences, qui sur la scène d’une nuit, se métamorphosent en revanches. Un jour, c’est sûr, elles seront des femmes, des vraies, perchées sur talons hauts, modèles d’élégance et de glamour.

Destin bancal que celui de Siréna Séléna, armée de sa seule volonté de ne pas aimer, de se servir du désir et de descendre l’escalier du show sans aucune fausse note, pour claquer le nez à la misère d’un coup de faux cils sublime. Un destin et des personnages qui ne peuvent qu’évoquer un film d’Almodovar.

Une participation au mois latino américain d’Ingannmic et Goran ( Porto Rico) et à l’objectif PAL

23 commentaires sur “Siréna Séléna, Mayra Santos-Febres

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  1. je trouve aussi ce billet lumineux et malgré le sujet je le trouve aussi très humain mais je ne suis pas certaine de vouloir me confronter à cette misère là !

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    1. J’espère qu’il attirera de nombreux autres lectrices et lecteurs. Passé l’aspect un peu hors sol du départ, une fois que tu es partie dans cette lumière de strass et de misère, je pense que tu ne peux qu’entendre ces voix du bas fond.

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